« Et si le "communautarisme musulman", unanimement dénoncé aujourd'hui en France, était moins le produit d'un supposé activisme islamique que celui des responsables politiques français ? ». La question formulée par les auteurs de cet ouvrage interpelle, car l'hypothèse se place à l'encontre du discours politique et médiatique dominant en France depuis les années 1990. Celui là même qui consiste à dire que « "le communautarisme musulman" serait une réalité dangereuse, produit de l'activisme des organisations et prédicateurs islamiques voire de groupes fondamentalistes et radicaux visant à "islamiser" la République en sapant son fondement premier, la laïcité ».
Des leaders socialistes à Jean-Marie Le Pen, en passant par Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, les auteurs mettent en lumière la même logique contradictoire dans leurs modes de gouvernance politique et de « gestion de la question musulmane » : « au niveau national, jouer sur le spectre effrayant du "communautarisme musulman" tout en l'encourageant ; et, au niveau local, tisser des réseaux clientélistes dans une course au "vote musulman" ».
En somme, ce qui est régulièrement dénoncé comme le symptôme du dysfonctionnement social majeur (la fameuse "crise des banlieues") serait en fait encouragé par ceux-là même qui le pointent du doigt. C'est en tout cas la théorie défendue et rigoureusement illustrée au fil de de cet ouvrage. Etayant leur argumentation par une pléiade d'entretiens réalisée auprès des acteurs de l'islam de France, par de moult réunions vécues « sur le vif » et par l'analyse d'archives et documents difficilement accessibles au grand public, les auteurs montrent, loin des lieux communs, la complexité de la question musulmane en France en décortiquant les mécanismes de fabrication de l'actuelle « politique républicaine de l'islam ».
Ni essai, ni pamphlet, ce livre écrit à deux mains est l'aboutissement d'une enquête approfondie, fruit d'une précieuse collaboration entre deux acteurs de terrain : un politologue, qui travaille depuis plus de quinze ans sur les questions d'ethnicité dans le système politique français et un journaliste, qui a pu relever à travers ses nombreux reportages, en France et à l'étranger, la difficulté des politiques français et des acteurs musulmans à se libérer définitivement de leurs démons coloniaux.
Marianne & Allah, c'est finalement un éclairage salutaire sur une problématique d'actualité, car, comme le soulignent à juste titre ses auteurs : « Près de cinq décennies après l'indépendance de la plus ancienne colonie de peuplement de la République française, le fantôme algérien hante plus que jamais l'espace public national ».
Daline
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le 19 mai 2010

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