Il y a des paysages livresques dans lesquels on voudrait vivre et se perdre. C'est le cas du narrateur (plus ou moins fictionnel) d'"Echapper" Après avoir lu "La leçon d'allemand", il veut retrouver le village dans lequel vit le peintre du récit et y vivre. Par là, il pense donc échapper à sa vie, à son incapacité d'être avec l'autre, d'affronter quelque chose. Il veut donc écrire la suite du roman qu'il a lu. Au lieu de ça, Lionel Duroy fait le récit d'un homme qui s'échappe pour trouver un nouveau chemin car les lieux qu'ils cherchent n'existant pas réellement, il se créer un nouvel espace, non pour vivre par procuration, mais pour choisir enfin. Ce n'est pas un village de roman qu'il découvre finalement, mais une guérison franche entre la vie, l'écriture et l'amour qui sont, ici, indissociables. On ne peut pas vire sans lire des livres ou sans en écrire, voilà ce que pense Lionel Duroy et ce qu'il fait dire à son alter ego, Augustin.
Réflexion picturale, photographique, le livre tente de décrire la naissance d'un sentiment, la portée d'un visage. Au grès des rencontres et des réminiscences du passé, mais aussi de cette mer qui grignote le littoral, emporte les hommes, Augustin revit menacé par la vase dans laquelle il ne s'embourbe jamais. Perdu "dans un livre comme on se réfugie dans une chambre d'hôtel", on pense alors au narrateur de Plus rien que les vagues et le vent qui racontait ses rencontres et l'étrange attraction d'un volcan dans un petit village d'Amérique, une fois enfermé dans une chambre d'hotel dont la baie vitrée lui laissait apparaître un paysage magnétique de mer. Ici, c'est l'Allemagne en peinture dont les couleurs (celles de la couverture) se déploient dans une écriture attachée aux images, à leur force et aux êtres, à leur puissance. Il y a une vraie force dans Echapper : l'espoir de s'évader et de rêver sa vie dans les décors des livres que nous aimons pour ne plus trembler face à la réalité. Le réel ne tue pas, il s'imprime sur la fiction et gagne en beauté. On retiendra longtemps l'image de ce couple piégé par la mer dont seul un des deux survivra parce qu'il aura simplement attendu que la mer redescende ... On ne saura jamais pourquoi ils se sont séparés : amour ou haine, toutes les hypothèses sont possibles. Autre belle image que cet "homme qui tremble" sauf quand il prend sa plume pour écrire et transcender le réel.