Emmanuelle s’apprête à subir une opération pour se faire ligaturer les trompes et être enfin libérée de sa hantise de tomber enceinte par accident. Mais avant l’opération, la loi prévoit un délai obligatoire de quatre mois de réflexion. Un laps de temps pendant lequel le lecteur va découvrir la personnalité fantasque et attachante de la jeune femme. Surveillante de musée, un peu trop attentive au regard des hommes, volontiers ironique et souvent excessive, elle est de plus en plus incontrôlable à mesure que le texte progresse. Elle commence par convier ses parents à l’anniversaire de son petit chat, qu’elle choie exagérément, en les sommant d’apporter une montagne de cadeaux et de se mettre sur leur trente-et-un. Et elle finit par se donner en spectacle, ivre-morte, au baptême de son filleul, ou par se planquer dans la haie du jardin, lors d’une réunion de famille, pour ne pas entendre l’annonce de grossesse de sa cousine. Comme de juste pour une jeune femme bien décidée à rester « nullipare » – le terme en lui-même est déjà fascinant –, elle est entourée d’amies, ex-amies, cousines et autres belles-sœurs qui ne pensent qu’à pondre des gamins, ou sont déjà des mères accomplies, ce qui a le don d’agacer ou d’affoler Emmanuelle. Au terme de ces quatre mois de réflexion, va-t-elle craquer sous la pression sociale et familiale, et revenir sur sa décision de dire bye bye une bonne fois pour toute à la possibilité d'être mère ?
Une comédie loufoque, parsemée de phrases piquantes et de quelques morceaux de bravoure, qu’on lit donc avec plaisir. Deux registres s’entremêlent très habilement dans le texte. Le premier, un peu à la façon de Truisme, avec une narratrice ultra-dépendante du regard des hommes et des diktats de beauté qu’il impose (« Une fois, un garçon lui avait dit qu’elle avait une belle chatte et, même si ce n’est pas le genre de choses qu’elle a mentionné ensuite sur son CV, ça l’avait pas mal flattée », « Elle pourrait être hôtesse de l’air, celles qui se débrouillent bien arrivent parfois à séduire le pilote »). Sauf qu’à la différence du personnage de Marie Darrieussecq, Emmanuelle se montre capable, par sa verve satirique, de retourner la situation à son avantage : « Elle s’imagine transformer les hommes de sa vie en porcs. Ce n’est pas qu’elle ne les aime pas ou qu’elle leur souhaite du mal. C’est simplement qu’elle les aimerait encore mieux en cochonnets, à sa disposition, fermement réunis autour d’une belle assiette de glands. » À cette dimension, passionnante, s’ajoute un deuxième registre, plus à la Lena Dunham, avec un personnage féminin attachant et pathétique, qui picole trop, se couvre de ridicule et se met dans des situations impossibles.
Vraiment, une lecture à mettre en toutes les mains…