C'est un bouquin qui se lit tout seul, à la va-vite, en une seule bouchée, après une journée de travail éreintante. Et une fois les mômes couchés, alors qu'on est en mode "mettre en veille avant d'éteindre" et qu'il est tout simplement impossible d'ingurgiter un film d'une durée moyenne, c'est-à-dire de deux heures, au risque de ne pas le regarder jusqu'au bout, ce petit livre d'à peine cent pages s'impose à soi-même comme l'alternative heureuse que l'on cherche indéfiniment, l'évidence douce, apaisante, légère et réconfortante à consommer au lit avant que la boutique ne soit définitivement fermée.


Un vieil homme se jette sur les rails d'un métro... les raisons de son action, ultime et définitive, importent peu, car le fil rouge de cette nouvelle réside dans le bouleversement que l'autodestruction de cet anonyme suscite chez l'héroïne, une jeune femme qui passait par là, attendant patiemment son dernier métro, et qui aura vu cet homme la regarder dans les yeux, esquisser un sourire avant le grand saut vers l'infini et au-delà, et par là-même l'ébranler intérieurement comme jamais elle ne l'avait été auparavant, au point d'en être complètement hagard et hallucinée. Traumatisme et chamboulement absolus, sorte d'introspection forcée par le destin, plus exactement par les sombres desseins d'un parfait inconnu, étrange corrélation entre deux vies en apparence déconnectées mais finalement parfaitement reliées. Errance nocturne de l'héroïne, dont on est le spectateur attentif, le voyeur bienveillant, l'observateur compatissant.


Cette résignation à la fois paroxystique et fulgurante du vieil homme fait ressortir des réminiscences insoupçonnées, des souvenirs de jeunesse, la remise en question permanente d'un couple, des questionnements divers et variés, une réactualisation de la perception des choses de la vie, un nouveau regard sur les caractéristiques d'une amie devenues subitement contenantes et rassurantes dans un contexte de crise existentielle.


Ecriture intimiste, posée, attentive et bienveillante comme une chaude couverture, sécurisante. Certains passages sont particulièrement bien écrits. Les mots inutiles sont écartés, les termes choisis sont justes et économes, triés sur le volet pour être au plus profond du sentiment intérieur qui est celui de cette femme ébranlée. On se rapproche d'elle, mais hélas sans jamais atteindre son for intérieur du moment, frappé de cette gravité soudaine, de cette disparition d'un "autre", car le traitement de l'empathie que l'on développe au fil des paragraphes reste hélas en surface, non pas superficiel, mais on ne fait finalement qu'effleurer des ressentis puissants dont on ne se remet jamais vraiment, mais auxquels on aurait bien goûté, juste le temps de cet écrit, pour en arriver à ce sentiment de béatitude et de plénitude qu'est le "simple" fait d'être en vie.

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le 16 mai 2016

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Errol 'Gardner

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