La virgule apprivoisée
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Tiens, amie lectrice, s’il te reste un peu d’appétit après l’indigestion de la rentrée littéraire 2020, voilà de quoi te nourrir à la fois le cerveau et le coeur, tout en comblant diverses lacunes sur la dernière guerre et ses suites.
Lacunes, lacunes… je parle des miennes surtout, je ne vais pas te faire l’injure de te croire aussi ignorante que moi de la chose historique.
Si tu me permets une brève digression, l’histoire, celle avec la grande hache, m’a toujours fait dormir en classe. Elle me faisait aussi quitter la table familiale quand les générations s’affrontaient autour du poulet dominical, vociférant, s’apostrophant, postillonnant à qui mieux mieux, sans pour autant oublier de taper voracement dans le plat, se défiant du regard, le menton luisant de graisse crânement projeté vers l’avant, le poing farouchement serré sur la fourchette, la frite batailleuse dans l’assiette, et toi, à la fin, il te restait un bout du croupion et un demi gésier.
D’où l’idée aussi saugrenue que tenace dans mon esprit, que l’histoire ne sert finalement pas à grand-chose d’autre qu’à se poignarder éternellement le cul avec les mêmes saucisses et à priver les enfants de dessert.
Mais là, avec ce livre, cette histoire, ni sommeil ni envie d’évasion. Même s’il s’agit d’une autobiographie, c’est à dire encore un genre qui a le pouvoir de me faire fuir.
Historique ET autobiographique donc, ET très ancré dans une plutôt triste réalité. Triple peine pour qui, comme moi, n’aime que les fictions un peu rêveuses ou barrées.
Pourtant cet exotique Marioupol m’a fait les yeux doux et j’ai fini par tomber en amour à mi-chemin entre l’Allemagne et l’Ukraine, à la recherche de cette mère trop tôt disparue dont il ne reste qu’une photo et une poignée de souvenirs dont on ignore s’ils sont réels ou fantasmés.
Un point de départ si minuscule qu’il en est presque inexistant pour une enquête au long cours, patiente, minutieuse, décourageante souvent, passionnante toujours, aux fruits parfois inattendus, et qui restitue magnifiquement un zeitgeist que l’on absorbe avec d’autant plus de gratitude qu’il était largement perdu, méconnu, de sorte que le livre offre un beau double cadeau à qui le tente.
Et comme il sera disponible à partir du 15 octobre, tu auras eu le temps de digérer les prix sur lesquels tu aurais eu l’imprudence de te ruer dès la rentrée et de te refaire un peu le porte-monnaie, chanceuse que tu es.
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Créée
le 11 sept. 2020
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