J'avais quitté Louise Penny, un peu (pas mal) déçue, sur son Révélation brutale: un roman confus, brouillon, qui sentait l'inachevé, et bien loin de ce à quoi elle nous avait habitué.
C'est donc non sans une certaine appréhension que j'attendais son retour (très long, pour la version poche).
Et voici qu'elle nous livre Enterrez vos morts, probablement le meilleur roman à ce stade de sa série consacrée à l'Inspecteur-chef de la Sûreté de Québec Armand Gamache.
A contre-courant de nombre de séries policières à succès sur ces dernières années, Gamache est un personnage ultra positif, sans être creux, mais qui inspire la sécurité, qu'on retrouve avec un plaisir douillet, comme un doudou adoré.
Dans ce sixième volet, notre héros délaisse l'étonnement criminogène bourgade de Three Pines pour la belle ville de Québec.
En réalité Gamache s'est réfugié à Québec (dans les murs bien sûr, ceux qui savent savent), en convalescence après une opération policière que l'on devine d'envergure et qui semble avoir mal tourné.
Alors qu'il se retape gentiment chez son mentor, à étudier la bataille des plaines d'Abraham (c'est là qu'on a perdu le Québec contre les anglais, pour les non-initiés), un homme est assassiné dans sa bibliothèque préférée: la Literary and Historical Society.
Cet homme est bien connu de Québec, archéologue amateur, il a voué sa vie à la recherche de la sépulture de Samuel de Champlain (navigateur/explorateur/cartographe mais surtout fondateur de la ville de Québec, toujours pour les non-initiés).
Ce meurtre met en émoi la ville: le corps du fondateur se trouverait-il dans les sous sols d'une bibliothèque anglophone? CHEZ LES ANGLOS?!
Avec Enterrez vos morts Louise Penny évoque l'histoire de et du Québec, sa création, les mensonges aux autochtones, les combats... surtout elle aborde la défiance, encore très présente aujourd'hui, entre les communautés francophone et anglophone.
C'est également une ode aux secondes chances.
En terme de narration, ce volet est certainement le plus puissant et le plus original jusque là.
Louise Penny mêle 3 récits de fond avec une fluidité surprenante: le meurtre de Québec, le retour sur l'enquête du précédent volet (d'où le sentiment d'inachevé précédemment évoqué) et enfin cette opération policière qui a mis notre bon Gamache à terre.
Louise Penny se joue des genres, frôle le thriller avec une aisance qu'on ne lui aurait pas prêtée, elle dont le style est d'un classicisme charmant, mais bien concret, dans la droite et directe descendance d'Agatha Christie (un meurtre, des personnages qui parlent devant un enquêteur presque passif, et une révélation en groupe du meilleur effet).
Le coup de génie, c'est d’avoir su intégrer au récit du présent les souvenirs de chacun des personnages de cette opération policière traumatisante qui surgissent à tout moment, au gré de leurs pensées, et créent un sentiment d'urgence presque claustrophobique.
Vivement la suite!
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