A ne pas lire dans le métro
Troisième titre que je lis de cette nouvelle collection des éditions du murmure, "Borderline". Là où le volume "Real Niggaz" bénéficiait d'un sujet circonscrit et où le volume "Art is Fear" souffrait d'un sujet trop vaste pour les cinquante pages qui distinguent cette collection, le présent volume a un sujet circonscrit, mais dont l'étendue semble inouïe, notamment en raison de la connaissance encyclopédique de l'auteur, qui picore à la fois dans la scolastique médiévale et le porno low-cost d'Internet.
Le sujet est intéressant: comment un élément apparemment simple de l'existence masculine a pu basculer de l'invisibilité presque complète, à une disponibilité multiple, sous des formes parfois explicites et parfois obliques?
L'ouvrage ne répond pas complètement à la question et relève souvent de la description encyclopédique qui relève plus qu'elle n'analyse - si bien que, si on est bien dans un essai, ici, c'est un essai universitaire, et non un essai porteur d'une hypothèse claire - ou d'une position dont la justesse serait testée. Ce n'est finalement pas un problème, dans la mesure où il est question d'esthétique, mais l'impression d'empilement de références et d'exemples sature le sens, qui se dérobe - et, de temps à autres, le lecteur peut se demander s'il n'est pas en train de lire un exercice de style, ou une course au record.
Il faut se déprendre de cette impression: les cinquante pages sont vite lues, et forment un beau catalogue, nourri et complet, qui dessine cette esthétique, en s'émancipant du besoin qu'ont parfois les essayistes qui s'encanaillent de travailler à légitimer leur sujet, et à procéder à un renversement moral, qui fait de la pornographie le lieu de dépassement de l'art. En ce sens, ce petit essai est très réussi: il se situe par-delà le bien et le mal et, abandonné de toute coquetterie (coquetterie de la pudeur comme coquetterie de l'émancipation), il donne ce qu'il promet, une esthétique de l'éjaculation.