Qui est-il vraiment ce Théo Toussaint ? Un rêveur ? Un anarchiste ? Un idéaliste ? Quand il arrive en Colombie, il semble bien déterminé à rejoindre les rebelles dans la jungle. Pour quoi faire ? Que cherche-t-il dans ce combat qui n’est pas le sien ?
Jeune liégeois engagé dans la lutte contre les inégalités, il commet un jour une erreur et fuit la Belgique. Il trouve refuge auprès d’Angela, une jeune bloggeuse franco-colombienne à la recherche de son ami Martin. Avec elle, il se rend dans la forêt, espérant entrer en contact avec les Farcs. Pour eux, la guérilla est la seule capable de pousser leur indignation plus loin pour changer le monde. Pour y arriver, ils trouveront de l’aide auprès des gens d’Eglise très présents en Colombie et qui tentent de réconcilier état et guérilla au bénéfice de la population.
Grand reporter au journal « Le Soir », Alain Lallemand signe ici son troisième roman.
Son récit d’aventure nous invite d’abord à partager sa passion pour la Colombie. Il y décrit de magnifiques paysages qui contrastent avec la vie rude et triste des populations prises entre deux feux : les révolutionnaires et les paramilitaires. Son portrait son concession de la situation est remarquable.
Il présente ensuite une réflexion sur notre société. En effet, le parcours de Théo n’est pas sans rappeler celui des jeunes qui deviennent djihadistes en Syrie. Leur quête est-elle différente ? En quoi ? Théo ne se reconnait pas dans le djihad. Il veut changer le monde, trouver une place dans la vie, un sens à celle-ci et il pense que son engagement dans la lutte armée pourra l’aider. Paradoxalement, il va se retrouver auprès de combattants catholiques, très proches des prêtres et religieuses. Il va devoir comprendre et accepter les incohérences de cette situation : suivre et respecter une religion d’amour, de pardon et s’imposer en même temps par les armes dans la violence. Théo, comme de nombreux jeunes avant lui, a une vision romantique de cette lutte, de cet engagement et est tenté de passer par les armes pour défendre ses idées, ses valeurs.
Et c’est là toute la question du roman : la lutte armée n’est-elle pas toujours une déception ? Quel que soit l’endroit (Espagne, Asie, Amérique latine...) n’est-ce pas toujours la population civile qui paie le prix fort de la guerre ?
Enfin, on s’interroge sur la raison qui pousse ces jeunes à rejeter la société dans laquelle ils vivent. Les principaux facteurs ne sont-ils pas la perte de sens et les inégalités sociales grandissantes ? Par cet engagement, les jeunes pensent trouver la place que la société leur dénie.
J’ai beaucoup aimé ce roman qui se lit d’une traite. La narration est fluide et le style de l’auteur est agréable. Les pages se tournent sans effort tant on a envie de savoir ce qu’ils vont devenir. Ensuite, on revient sur les passages que l’on a marqués afin de relire les réflexions politiques et philosophiques que l’auteur met dans la bouche de ses personnages.