Des concepts clinquants (la pyramide de Maslow, la loi de Moore/Mead), des explications presque scientifiques (l'avènement du régime de l'abondance en remplacement de celui de la rareté), une intuition majeure (le coût marginal de tout produit de masse de l'économie numérique tend vers zéro au cours du temps) et voici devant nous une horreur de petit fasicule futurologiste comme on les apprécie dans la Silicon valley. Commis par un habitué des conférences TED, on y reprend la tradition technophile de prédiction des tendances numériques que l'on sait si versatiles et choisit d'explorer le phénomène de la gratuité des services pour le consommateur. Beaucoup d'ergotage pour réaliser qu'en fait, Google reprend le principe de la presse écrite avec un annonceur tiers qui finance le manque à gagner en échange de données et d'informations sur les clients/utilisateurs. Le reste du temps, le gratuit est une manière d'amorcer des clients payants par tout un arsenal de techniques, parmi lesquelles on peut citer la plus connue, le "freemium".
Huit ans après, le bouquin est déjà obsolète.
Pour commencer, les constats le sont. En 2015, Apple ne cherche plus à encourager le piratage pour soutenir la vente de ses ipods, unités de stockage de musique. Ils vendent eux-même la musique qui se consomme de plus en plus en streaming.Les coûts marginaux ne tendent pas tous vers zéro : Canal+ et Netflix font payer leur offre de SVOD (Subscription Video On Demand). Tout le monde veut rentabiliser son produit, à commencer par les contenus audiovisuels, extrêmement chers à produire.
Du côté des start-ups à base d'application mobile, la gratuité est un vrai choix stratégique : à l'arrivée, il faudra vendre quelque chose mais les applications à succès ont effectivement tendu vers le prix zéro, avec des stratégies de rentabilisation parfois rustiques, comme Instagram.
Le stockage Cloud est loin d'être gratuit, sauf à parler des 5Go que l'on dispose chez Dropbox, c'est à dire une paille Le prix du stockage ne tend donc pas vers zéro mais plutôt vers C>0. Bref, l'intuition ne s'est pas révélée complètement juste.
Enfin, les aspects problématiques du gratuit sont traités avec beaucoup de légèreté. Finalement, le public choisit son prix qui est souvent proche de zéro. C'est démocratique, c'est très bien comme ça et tant pis si ce prix est sans rapport avec les coûts de productions. Pour s'en convaincre, voir les marges de Netflix, Uber et Twitter.
Un bavardage relativement sympathique, mais maillé d'assertions péremptoires sur le monde numérique, un curieux univers où le doigt mouillé et l'absence de modèle explicatif sérieux et éprouvé permet à tout un charlatan de voir prospérer son business de futurologie.