Frissons trop brefs
Un livre bien écrit et passionnant mais bien trop superficiel. Chroniqueur judiciaire au "Figaro", bien connu des téléspectateurs de "Faites entrer l'accusé", Stéphane Durand-Souffland revient sur...
Par
le 3 juin 2016
Frissons d’assises, sous-titré L’instant où le procès bascule, recueille quatorze textes d’une douzaine de pages, chacun consacré au moment-clé – ou déclaré tel par l’auteur – d’un procès des quinze ou vingt dernières années (1). Voilà pour les chiffres.
Stéphane Durand-Souffland est chroniqueur judiciaire au Figaro : l’écriture est celle de la chronique judiciaire lambda, telle que se targuent de la pratiquer, dans chaque rédaction de PQR, quelques journalistes vieux routiers des salles d’audience locales. En l’occurrence, et contrairement à ce que le titre peut faire redouter, l’approche n’est pas si racoleuse que ça : on ne trouve dans ces récits pas plus de mélodrame, pas plus de sordide, pas plus de goût du secret que la réalité n’en comporte déjà.
L’auteur affirme s’intéresser au procès plutôt qu’au fait divers qui l’a suscité. Dans la pratique, il présente brièvement chaque affaire, et apporte des éclaircissements ponctuels sur tel ou tel de ses aspects, sans la compréhension desquels la lecture de ses récits serait très laborieuse – voire impossible. Pour des lecteurs de ma génération (c’est-à-dire auxquels chaque nom d’affaire dit quelque chose pour en avoir entendu parler) mais pas spécialement intéressés par l’actualité judiciaire, ce n’est pas inutile.
Du reste, aussi modeste que soit l’approche de l’ouvrage – très peu de théorisation, un goût pour l’anecdote révélatrice plutôt que pour la réflexion –, elle n’empêche pas le lecteur de réfléchir. Mais ce que celui-ci peut penser dépend de la réalité, non pas de son écriture. C’est bien dans la réalité qu’on dit de François Besse qu’il « s’est tellement évadé qu’on ne sait plus quelles portions de peines correspondant à quels méfaits il a purgées » (p. 65). Dans la réalité encore qu’un expert, pour expliquer aux jurés qu’un accusé fou refuse d’avouer un crime, « démontre qu’on peut être fou et ne pas avoir pour autant “envie de se regarder comme un tueur d’enfant” » (p. 232). Dans la réalité toujours qu’à propos d’un homme qui a tué ses deux femmes successives, un autre expert moins vétilleux « note qu’il convient d’“émettre des réserves en ce qui concerne son aptitude à s’engager à l’avenir de façon adaptée dans une relation de type conjugal” » (p. 84)…
Les réflexions soulevées par ces passages, un lecteur qui s’intéresse au fonctionnement de la justice se les est faites – avec d’autres – depuis longtemps. « J’aime tellement la justice que je voudrais qu’elle éblouisse quand elle est rendue », déclare l’auteur (p. 11). On ne partage pas tous entièrement son avis. Reste que les affaires choisies sont suffisamment variées pour traiter différents aspects : accusés monstrueux, experts inquiétants, magistrats et avocats perdus, malhonnêtes ou brillants… À ce titre, Frissons d’assises constitue une piqûre de rappel, bien davantage qu’une approche éblouissante de nouveauté. Voilà pour les lettres.
(1) Pour les amateurs de listes : les procès Guy Georges, Alègre, Besse, Ben Salah, Catineau, Outreau, Émile Louis, Hotyat, Colonna, Fourniret, Clearstream (le seul qui fait mentir le titre du recueil), Viguier, Bissonnet et Hégo-Moitoiret.
Créée
le 12 déc. 2018
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