Je cultive une grande affection, toute littéraire, pour Alix de Saint-André depuis la découverte de son premier livre, un polar édité en 1994 par la collection noire de Gallimard : L'ange et le réservoir du liquide à freins. Elle revisitait ses années d’internat, pratiquant un second degré jubilatoire et manifestant une imagination réjouissante. Largement autobiographiques, ses livres cultivent autodérision malicieuse et juste introspection. Avec fantaisie et délicatesse, elle parvient à mêler l’eau et le feu : une éducation très vieille France catholique, son père était le « Grand dieu » du Cadre noir, et une vie de femme parisienne moderne, elle fut notamment journaliste à Elle et à Canal Plus.
Dans Garde tes larmes pour plus tard, elle livre la biographie, très originale sur la forme, d’une amie. Une interview lui a permis de découvrir Françoise Giroud, déjà très âgée. Elles ont tôt fait de sympathiser. Alix est choquée par les attaques post-mortem de la presse parisienne, alors que la femme de lettres, journaliste, ministre et vice présidente de l’UDF était admirée, voire courtisée, de son vivant. Elle enquête, bien décidée à venger son honneur bafoué. Elle dévoile les mensonges, établit la judaïcité cachée de Françoise, catholique par un jeu de circonstances historiques et athée par conviction, puis revient sur ses amours contrariées avec Jean-Jacques Servan-Schreiber. Si son écriture reste chatoyante, elle succombe à la tentation d’un name dropping d’autant plus éprouvant, que les personnalités citées sont désormais oubliées. Vanité des vanités…