Un roman indien qui se respecte fait au moins 500 pages. Du moins, c'est l'habitude que nous ont donnée les auteurs du sous-continent avec quelques exceptions pour confirmer la règle. Mais Vivek Shanhbag, inconnu jusqu'alors en nos contrées, est différent. Ne serait-ce que parce qu'il écrit directement en langue kannada. Et avec Ghachar Ghochar, son premier livre traduit en français, paru aux éditons Buchet-Chastel, il nous offre un récit de moins de 200 pages qui, par bien des égards, ressemble à une longue nouvelle. Inutile donc de le comparer aux pavés indiens auxquels nous sommes accoutumés, sinon c'est la déception assurée. Le récit, lui-même, n'est pas vraiment lié à une évolution narrative constante. Il s'agit plutôt d'un grand flashback d'un homme qui nous raconte sa vie familiale depuis divers angles comme pour constituer une tapisserie ou, si l'on préfère, esquisser une miniature. La quatrième de couverture parle d'un roman "en forme de parabole sur les affres de la richesse trop vite venue et la dégradation morale qui l’accompagne, campé dans une Inde tiraillée entre traditions et modernité." Hormis les deux derniers termes, cliché absolu, c'est assez bien vu. L'accession à un standard de vie supérieur, en Inde, est quelque chose de très spécial et de déstabilisant, non seulement aux yeux des autres mais au sein même de la famille qui en bénéficie. C'est tout l'art de Vivek Shanhbhag que de nous en expliquer les composantes et les conséquences avec une finesse de trait doublée d'une sorte de douceur qui cache pourtant de grandes cruautés. Chacun des personnages de Ghachar Ghochar a droit à une portrait admirablement ciselé dans ce qui pourrait être une comédie de moeurs sur les nouveaux riches indiens. La chute du livre est brutal et ouverte : elle pourrait être frustrante mais elle donne surtout envie de découvrir d'autres récits de l'auteur. Un de plus à ajouter à la longue liste des romanciers passionnants de ce pays aux folles contradictions.

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le 4 juin 2018

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