La vie de Jean-Luc Godard en près de 900 pages passionnantes, où l'on voit que c'est un homme très complexe. Il est à la fois capable de rompre avec ses amis, de détruire ses films (A bout de souffle est pour lui un film quasi fascisant), voire de provoquer volontairement un accident de tournage pour qu'il se sente bien (il va jusqu'à humilier Jane Fonda, Mireille Darc, Bruno Nuytten, voire ses producteurs, certains sont traités de "sales juifs"). On sent qu'il a vécu plusieurs périodes bien définies, que ce soit dans ses films (de A bout de souffle jusqu'à La chinoise, il aura réalisé 14 films en moins de 9 ans ) que dans sa vie personnelle (la perte de l'enfant que portait Karina va le "transformer", l'accident de moto subie aux USA dans les années 70 va encore le changer, il évolue de façon parfois opposée politiquement) jusqu'à finir quasiment tout seul aujourd'hui dans sa maison située en Suisse, tel un sage (ou un vieil aigri par moments), sortant de sa "tanière" pour accepter des commandes (à ce titre, le passage sur l'expo qui lui fut consacrée en 2006 est éloquent sur sa manière de vivre sur la destruction) ou rejeter le culte mondial dont il est l'objet.
Sur le côté cinéma, c'est très intéressant, les anecdotes pleuvent à tout va (A bout de souffle est considéré comme un film de 2h10 resserré en 1h30, Godard ayant fait 75 coupes dans le film, et retirant seulement 2 plans), en particulier sur ceux des années 60. Dommage que sa cinéphilie soit assez peu évoquée (y compris durant le passage consacré à sa présence aux Cahiers du Cinéma), on sait qu'un de ses derniers coups de cœur fut Brown Bunny de Vincent Gallo.
C'est pas loin de se lire comme un polar, car la vie de Godard n'est pas banale et est vraiment passionnante sur un des réalisateurs français les plus connus (et un de ceux qui aura une vraie présence en tant que "penseur" dans les années, à en juger son influence sur les évènements de Mai 68), quoique l'on puisse penser de son ciné, et de l'homme (qu'on peut trouver détestable, ce qui n'est pas mon cas).