À l’instar d’autres licences de fantasy, Warhammer peut se targuer de posséder un lore gargantuesque et varié, tant en termes d’univers (Battle, 40K) que de médiums. Pour les aficionados des jeux de plateau, ou plus largement leurs multiples portages vidéoludiques, s’immerger dans son pan littéraire peut ainsi tenir du pain béni, d’innombrables ouvrages développant les destins de belligérants fascinants : mettre le nez dedans, c’est l’assurance de ne plus pouvoir en décrocher.
Dans sa version originelle médiévale-fantastique, Gotrek et Félix sont parmi ces innombrables (anti) héros du Vieux Monde : leur association, croustillante car à la croisée de deux races proches comme distantes, est de ces portes d’entrée idéales pour justement creuser le sujet, leurs aventures conviant des antagonistes de tout horizon. Néanmoins, le premier omnibus de William King révèle une œuvre ne se limitant pas qu’au seul public d’initiés, cette compilation (du moins au démarrage) des faits d’armes de nos deux hors-la-loi s’avérant aussi ludique que bien brodée.
Sur les bases d’un sauvetage sanglant et d’un serment « imbibé », la quête sans fin de ces deux personnages aux antipodes commence doucement, les chapitres inauguraux manquant un peu de liant : l’ensemble, pourtant bien et bien chronologique, va ensuite prendre un peu plus de corps, dans la droite lignée d’intrigues gagnant en envergure. Si nous étions d’abord tentés de prendre chaque escarmouche à part, qu’elles soient sympathiques (Chevaucheurs de Loups) ou captivantes (Sous la surface du monde), leur retour dans l’Empire, à la suite d’une petite virée mouvementée dans les montagnes de l’est, va enferrer notre attention en deux temps : d’abord en entérinant l’envers du décor du fleuron (revendiqué) de l’humanité, puis en introduisant un ennemi récurrent dans son opus « Tueurs de skavens ».
La cité de Nuln va en effet être le théâtre d’affrontements et complots proprement succulents, Gotrek & Félix confirmant l’ensemble de ses prédispositions en matière de divertissement et d’humour. Sa propension au comique atteindra d’ailleurs d’inespérées proportions, la bêtise crasse de skavens trop intelligents pour leur propre compte nous cueillant inlassablement, paranoïa et raisonnements hypocrites nourrissant une société sapant ses propres forces. Heureusement d’ailleurs, sinon nous ne donnerions pas cher de la peau des deux vagabonds, ceux-ci devant autant leur salut à leurs capacités qu’à une chance polymorphe : le procédé, répété à l’envie, fonctionne malgré tout, le roman élaborant une force de cohérence rythmée par les spécificités de chaque race.
Dans cet ordre d’idée, le schéma de pensée de Gotrek, Tueur de son état, se veut aussi simpliste que propice à la récurrence : ses répliques faisant mouche constamment, aucune lassitude à craindre, tout comme ce qui concerne les plaintes (entendables) de ce pauvre Félix. Narrateur privilégié de l’intrigue, ce dernier s’arrogera aisément notre sympathie au gré de son évolution, largement palpable à mesure de ses pérégrinations : et ces dernières les propulsant jusque dans le Nord dévasté (le mot est faible) du Vieux Monde, rappelons donc que l’ouvrage demeurera jusqu’à son terme incroyablement riche. « Tueurs de démons », lui qui n’exclue pas la présence de nos skavens chéris, est d’ailleurs une conclusion plus qu’à la hauteur du reste : pour preuve, nous en redemandons volontiers.