Il pleut sur Managua est un polar. Avec une enquête, des fusillades, des descentes de police et des péripéties si nombreuses qu'elles peuvent provoquer une certaine désorientation du lecteur distrait. Mais l'intérêt n'est vraiment pas là. Sergio Ramirez, fort de son passé dans la guérilla sandiniste, puis de sa participation éphémère au gouvernement qui remplaça Somoza, le dictateur déchu, évoque son malheureux pays avec une verve inaltérable et une ironie grinçante qui n'est pas loin du cynisme. C'est que le Nicaragua, avec sa chaleur humide, sa ferveur catholique, ses mouvements sociaux qui paralysent Managua au quotidien, ses règlements de compte entre narcos etc, peut-être considéré comme un symbole de l'Amérique centrale, contrée colorée et baroque, où une grande partie de la population vit dans le dénuement total alors qu'une minorité de politiciens et de hors-la-loi mène grand train, en toute impunité. Ramirez a soigné le décor et le climat de son polar, ne reste plus qu'à installer des personnages romanesques ou pittoresques . L'inspecteur Morales, son héros, est une figure immédiatement familière, une sorte de Columbo des tropiques : les mains moites et un pied qui boîte -une prothèse qui rappelle son passé de combattant sandiniste-, un humour féroce, une propension à abuser du rhum, voire même des témoins-femmes qui croisent son chemin et, pour parfaire le tout, une homophobie assez pathétique. Ce n'est certes pas un policier de grande envergure, heureusement pour lui que la femme de ménage du commissariat de Managua, ancienne camarade de lutte, a un peu plus de jugeote et lui vient en aide quand son enquête piétine, c'est à dire souvent. Il pleut sur Managua n'est sans doute pas le polar du siècle, loin de là, mais pour sa vitalité et sa description sans fard de la réalité sociale d'un pays très mal connu, on lui décernera une note largement au-dessus de la moyenne. Et on aimerait bien avoir prochainement des nouvelles de ce lamentable et sympathique (jusqu'à un certain point) inspecteur Morales.

Cinephile-doux
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le 13 janv. 2017

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