La création littéraire est toujours un mystère. Si Illska est un livre du XXIe siècle, il est d'abord par sa forme avant de l'être sur le fond, même si la première se nourrit forcément du deuxième. Si le roman d'Eirikur Orn Norddahl avait été écrit dans un respect total de la chronologie, quel aurait été le résultat ? Alors que là, déconstruit, haché menu entre 1) ses personnages actuels à différents moments de leur vie, 2) les protagonistes juifs d'un petit village lituanien sous la botte allemande, 3) les pensées d'un bébé, 4) les considérations de l'auteur lui-même tour à tour ironiques, cyniques, historiques, graves ou saupoudrées d'humour très noir, avouons qu'il y a de quoi y perdre son islandais. Au milieu coule pourtant une histoire d'amour mais le côté romanesque du livre est emporté comme un fétu de paille par les réminiscences du passé et par la barbarie de l'homme puisque le thème principal en est le Mal avec un M majuscule. Le livre est éreintant, déconcertant, agaçant par sa structure on ne peut plus décomposée. Il y a moyen de ne pas s'y perdre mais cela demande de très gros efforts. La partie la plus intéressante concerne la Lituanie qui, à l'instar d'un autre pays balte, l'Estonie, a traversé de longues années noires du nazisme au communisme. On peut penser à Purge, de Sofi Oksanen, déjà bien complexe, mais Norddahl pousse la réflexion encore plus loin avec le recul d'un écrivain islandais, profondément ancré dans l'histoire européenne. Maelström n'est pas un mot d'origine islandaise mais il convient bien à Illska, roman tentaculaire et puissant qui repousse toutes les limites. Y compris celles de la patience du lecteur ? Cela, c'est un sentiment qui différera singulièrement selon la personnalité de chacun.
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Cinephile-doux
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le 4 janv. 2017

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