Honte sur moi, je m’attendais à un mélange de bitlit et de thriller technologique un peu bas du front. Mais le roman étant peu cher, je n’allais pas faire la fine bouche. C’est donc avec peu d’enthousiasme que j’entame ce roman. Les références de la pop culture geek à la mode qui présentent le roman sont pour beaucoup dans mon appréhension initiale.
Je dois malheureusement déflorer la partie centrale de l’histoire mais c’est une révélation nécessaire.
L’humanité à enfin trouver un divertissement qui sied à tous. Au croisement du cinéma, du jeu vidéo, des parcs à thème et des musées se trouve maintenant la réalité virtuelle, RealiSim. En enfilant son casque le visiteur vit des aventures de toutes natures. Purement spectateur d’un phénomène naturel recréé ou d’une période historique ou bien acteur d’un pur divertissement fantastique, les humains (riches – du Nord) ont accès à des centaines de parcs de réalité virtuelle où la seule différence avec le monde réel est que la mort n’y est pas définitive. Ce loisir ultime, qui se pare de véracité historique et d’une mission d’éducation, génère l’essentiel de l’argent de l’économie du divertissement et le gâteau se partage entre quelques corporations gigantesques qui dictent la finance et la politique mondiales.
Cette belle mécanique florissante va connaître un coup d’arrêt à mesure que se multiplient les accidents dans ces parcs. Accidents qui ne tarderont pas à être mortels pour finir par faire totalement disparaître les visiteurs qui en sont victimes, mais où sont passés les corps ?
L’originalité du roman se montre dès les premiers chapitres, d’une construction très fouillée c’est petit à petit que l’on recolle les morceaux entre les différents passages, différents styles et différents narrateurs. Que peut bien faire ici le témoignage d’une internée psychiatrique au XIXème ? Vous l’avez compris, il semblerait bien que les disparus se retrouvent projetés dans le temps, qu’une faille temporelle les emmène vers l’époque et le lieu qu’ils visitaient affublés de leurs casques. Mais où vont les disparus des parcs aux thèmes fictionnels ?
Certes le récit développe une intrigue « crédible » sur cette dystopie mais il laisse transparaitre un discours politique qui va au-delà des effets néfastes d’une société toute technologique de surveillance généralisée. Le discours au sujet de l’esclavage moderne des pays industrialisés sur le tiers-monde donne des parallèles biens sentis sur la situation des migrants économiques actuelle.
Si la construction s’attache à varier entre les investigations contemporaines et les documents, un des rares personnages récurrents est Van Helm. Chargé par la corporation d’enquêter sur ces phénomènes il va se heurter à sa hiérarchie et à des forces qui le dépassent. Le roman se lit avec une grande facilité autant par l’envie du lecteur de découvrir la vérité que la découverte d’un nouveau chapitre original. L’auteur se permet même le risque d’une révélation finale qui tient la route, bien que l’on s’en doute depuis un moment mais sans que cela ne nous déçoive.
Un excellent moment de lecture sur un thème qui aurait pu tourner au ridicule sans le brio du rythme et de la construction. 9/10