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J'avais jusque là omis de lire du Philippe Djian, pourtant auréolé depuis 1987 du prestige des éloges de mon prof de latin de l'époque, un poète-conférencier à l'érudition reconnue. Il venait de voir le film de Beneix et ne s'en remettait pas. Du coup, j'avais mis un post-it dans un coin de ma tête - j'ai la faiblesse d'être perméable aux recommandations professorales. Quand j'ai vu le film à mon tour, dans les années 2000, je n'ai pas jeté le post-it. J'aurais peut-être dû, mais j'ai confondu légitimement le talent du cinéaste et celui du romancier qui l'avait inspiré. Et cette année, allez savoir pourquoi, j'ai franchi le pas. Je suis passée à l'acte. J'ai sorti l'idée du simple domaine de l'intention vague, j'ai tiré le transat au soleil et j'ai attaqué Incidences. Dix pages plus tard, j'étais déjà incrédule. Cinquante pages plus loin, ma religion était faite : j'étais à peu près aussi extatique que quand je regarde un film de Woody Allen. Autant dire que la dépression me guettait, mâtinée de bouffées de rage quand je tombais sur une phrase de ce type : " La chaussée ondulait mais il conservait son tracé réel en mémoire et plus ou moins corrigeait, plus ou moins parvenait ainsi à poursuivre son chemin sans trop d'encombre". De la part de l'écrivain qui abuse de l'imparfait du subjonctif ou de l'expression archaïsante "eu égard" par pur maniérisme, et qui vante les vertus d'une prosodie tenue fermement par la queue tout au long de l'ouvrage, ça dérange un peu. Sans compter qu'il passe la moitié de ce petit récit étrangement bancal à ferrailler contre les mauvais écrivains contemporains, les accusant de maux que chacune de ses pages recèle à foison. Autant dire que je suis plus que perplexe. Reste à mentionner le petit côté transgressif de cette histoire peu enthousiasmante - elle ne défend rien, ne plaide pour personne, tournoie autour du slip du protagoniste comme un vautour autour d'une charogne fumante - tout en concluant qu'il ne défonce aucune porte à coups de tatane, un grave manquement à l'éthique de la profession. C'est tiédasse. Et ça dresse du quinqua (rebaptisé cinquantenaire pour les besoins de la cause, allons-y gaiment...) un portrait bien peu plaisant. Si au moins on sentait une certaine jubilation à fustiger ainsi la vulgarité du bonhomme obnubilé par son nombril et son épididyme, on pourrait adhérer vaguement. Mais non, l'auteur n'est pas un comique non plus. Mais alors, qu'est-ce que je viens de lire, en fait ?

Créée

le 24 juin 2018

Critique lue 287 fois

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