C'est comme Les âmes Vagabondes mais en moins niais

Une lecture en deux temps qui me fait penser que j'ai bien fait de m'accrocher, c'est ce qui me reste de cette lecture. Et c'est sans hésitation aucune que je recommande d'ores et déjà ce livre à tous ceux qui aiment la SF mêlée aux intrigues politiques et aux réflexions qui frisent la philosophie. J'ai tout de suite été intriguée par l'essence même du livre mais j'étais loin de m'imaginer que l'histoire prendrait ce tournant. Le thème des intelligences prenant plus ou moins le contrôle des humains m'avait déjà conquise dans Les âmes vagabondes de Stephenie Meyer, mais chez Jean-Luc Espinasse il prend une toute autre dimension. J'ai beaucoup aimé le traitement de la différence de Tom qui, bloqué dans un esprit plus jeune que son enveloppe corporelle, devient le souffre-douleur des délinquants de son quartier. Cette différence permet à l'auteur de traiter d'un comportement à adopter face à la maladie, sans pour autant devenir le fil conducteur du récit. Si au début de la lecture j'aurais pu reprocher un manque d'émotion à l'écriture, je me suis rendue compte qu'il s'agissait sans doute d'une volonté de l'auteur. En effet, j'ai eu l'impression que la sensibilité de Tom grandissait en fonction de sa prise de conscience quant au monde qui l'entoure. Ainsi, certains évènement du début de lecture manquent cruellement de sentiment mais font transparaitre un adolescent qui n'est pas en phase avec lui-même. Au delà d'un simple récit d'invasion extraterrestre, Intelligences devient alors la quête identitaire d'un personnage avant tout dépassé. Bon nombre des points de l'intrigue sont passés au peigne fin, expliquant jusqu'au prénom qu'est donné à l'alien par son hôte. La dimension d'invasion et les fondements même de cette dernière m'ont complètement charmée. J'ai aimé le fait que l'auteur réussisse à faire part de deux espèces aux us et coutumes diamétralement opposés mais qui parviennent finalement à se fondre l'un dans l'autre dans une mécanique de reconnaissance réciproque. Les personnages dans leur complexité sont d'une réalité étonnante. Zedi en particulier, pourtant présentée comme une intelligence suprême dénuée de toute caractéristique humaine, fait preuve d'une faillibilité qui la rend tout à fait crédible. Ce point est l'un des véritables points forts du récit qui abat volontairement les codes de l'invasion « par défaut ». Bon nombre de références sont présentes tout au long de la lecture et si j'ai attrapé au vol celles ayant attrait au domaine littéraire, j'avoue avoir eu plus de mal avec celle de l'ordre économique ou politique. Les informations arrivent croissantes en allant que le héros gagne en intelligence, ce flot m'a certes inondée, mais ne m'a jamais perdue outre mesure (d'autant que l'écriture est simple). Il serait tentant d'y trouver un point négatif, moi j'y ai vu un immense bonus qui se rattache au traitement des personnages dont je parlerai un tout petit peu plus tard. J'ai adoré retrouver la notion du moindre mal qui m'avait fait me poser pas mal de question la première fois que j'y ai été confrontée. Cette fois-ci, elle est calquée sur un modèle tangible, réel et quotidien qui pousse à la réflexion.
Même si les personnages ne vivent réellement qu'au travers du regard de Tom, ils ont tous leur importance. Ahmed et sa quête de rédemption transfigurent la bonne volonté des enfants de cité avant tout perdus. Farid, lui représente le versant noyé de cette génération peut-être trop facilement manipulable. Djamila, elle, porte les valeurs nobles de ces familles prêtes à ne rien lâcher pour s'en sortir, mais également la condition des femmes étouffées par un système patriarcal bien trop tyrannique. Tom et Zedi, que tout semble opposer mais qui se ressemblent finalement sur un bon nombre de point réussissent à faire naître l'empathie d'un lecteur écœuré par un système qu'il connait déjà par cœur. Ils permettent à l'histoire de devenir déstabilisante tant les faits relatés trouvent leur correspondance dans la réalité française, comme la question du djihad, des fourberies politiques ou des malversations médiatiques...
Toutefois, l'énorme point bonus reste selon moi - et comme je l'ai déjà dit - le traitement de ces derniers vis-à-vis de l'auteur, traitement qui se sublime dans les dernières pages et confère à l'histoire une crédibilité nouvelle. J'y ai d'abord retrouvé une note de Gide face à ses Faux-Monnayeurs que j'ai aimé et même adoré. Ce traitement détruit les dernière barrières entre l'auteur et son lecteur qui devient lui-même partie intégrante du récit. Une belle clôture pour un roman étonnant. J'aurais peut-être aimé en revanche, que Sacha, la mère de Tom, soit plus présente vers la fin du récit. Je ne peux cependant pas blâmer ce choix de l'auteur qui trouve son explication dans le dénouement du récit. De même, j'aurais peut-être préféré un ouvrage un petit peu plus long qui permette d'expliquer plus en détail le mécanisme d'immixtion ou la décente progressive aux enfers. Je tiens cependant à signaler que ces 240 pages ne donnent pas d'impression de « pas assez », elles sont suffisantes mais certains évènements (que j'aurais aimé plus détaillés) m'ont semblé survolés.
La fin de l'histoire, à cheval entre fatalité et tragédie est parvenue à me nouer la gorge et à faire retomber la pression accumulée lors de cette lecture. Lors de cette belle lecture...


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Fabledheartless
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le 20 juin 2017

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