Migrants stellaires

Comme tous les titres de cette collection (Une heure lumière), ce texte est court. Les anglo-saxons parleraient de novella, mais pour nous pauvres Français, on doit se contenter du terme de roman puisque le texte est chapitré.

Le texte semble se dérouler dans le même univers que le roman que Laurent Kloetzer avait écrit à quatre mains avec sa femme : L'anamnèse de Lady Star, car on y croise des personnages déjà évoqués dans le dit roman : les Elohim.

Elohim, c'est le nom qui a été donné par les journalistes et les "believer" à une pseudo-race extraterrestre qui serait venue sur Terre. Je dis pseudo-race, et utilise le conditionnel car dans les faits, la présence d'une race extra-terrestre est soumise à caution. Même après avoir lu ce texte, on ne sait pas réellement ce qu'il en est, et le doute demeure permis.

En effet, visiblement, il est impossible de différencier un Elohim d'un Humain puisqu'ils ont des apparences rigoureusement identiques. Ce qui, pour ceux qui y croient, caractérise les Elohim c'est d'abord leur grande empathie et leur faculté quasi surnaturelle à apaiser les gens dans leur entourage. C'est d'ailleurs ce grand calme et cette capacité à apaiser par la parole qui leur a valu leur nom (à moins que ce ne soit les délires raëliens, le roman ne tranche pas).

Deuxième aptitude homologuée : le swap, un phénomène auquel ils sont sujets, et qui les conduit à disparaître brièvement et à reparaître quelques minutes plus tard, nus comme des vers, et à quelques mètres de leur lieu de disparition.

Et enfin, il est impossible d'enregistrer leur image. Ils s'effacent des photos, des vidéos, ne laissant aucune traces visibles.

Cependant, toutes ces aptitudes surnaturelles peuvent relever d'une habile mystification, et c'est pour cela que l'existence des Elohim est largement contestée.

Issa Elohim se focalise donc sur l'histoire de l'un de ces Elohim nommé... Oui. Issa.

C'est par les yeux d'une journaliste suisse que le récit nous est présenté, à travers son témoignage, mais aussi à travers des extraits des entretiens qu'elle a pu mener avec diverses personnalités (ONG, politiciens, spécialistes des Elohim, réfugiés...).

Issa n'est pas apparu n'importe où, mais dans un camp de réfugiés en Tunisie, et c'est ce point particulier qui va être intéressant. Car de par sa nature d'E.T. potentiel, son cas va particulièrement intéresser le gouvernement suisse, alors qu'en général, le sort des "simples réfugiés" les indiffère.

Le texte est plein d'un profond humanisme, et la douceur d'Issa passe très bien à travers les lignes de Kloetzer. Évidemment, le texte fait écho à la situation actuelle de ceux qu'on appelle par commodité "les migrants", car bien que la situation les ayant poussé sur les routes semble différer de celle que nous connaissons actuellement, leurs pays d'origine et la manière dont on traite, sont pour le coup les mêmes.

Et on assiste donc à une situation étrange où, parce qu'il est (peut-être) un Elohim, on envisage de "pousser" le dossier d'Issa plutôt que de le laisser moisir en Tunisie. Le texte est très évocateur, très prenant, et nous rappelle qu'avant d'être des réfugiés, extra-terrestre ou non, tous ces réfugiés sont avant tout des personnes.