Une gifle magistrale
Je suis soufflée par la puissance de ce roman, son humanité, ses personnages qui le transforment en une fresque magistrale et parfaite (plus d'infos ici :
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le 7 juil. 2019
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Nous avons grandi avec les images de la place Tahrir, au Caire. Partout dans le monde arabe, malgré notre jeune âge, on sentait que quelque chose de spécial se déroulait. On a osé rêvé à un changement porté par la graine de la révolution populaire, par la fougue de la jeunesse déterminée à se battre pour changer les choses. Ce souffle nouveau allait bientôt devenir un ouragan, emporter avec lui tout le monde arabe, balayer les manoeuvres qui tiennent ses systèmes depuis les décolonisations, et faire advenir un avenir plus brillant pour la jeunesse arabe.
Ce roman raconte le souffle de la place Tahrir à travers les points de vue de plusieurs personnages; chacun d'entre eux représente une facette des jeux de pouvoir égyptiens: la jeunesse rêveuse est omniprésente, et elle est entourée de l'armée, de la religion, de la justice et des représentants du pouvoir politique.
La force de ce roman est de raconter comment cette révolution a impacté profondément les foyers égyptiens. Elle a touché chacun au sein de sa famille, de son couple, de son travail, de ses amis et au plus profond de ses convictions personnelles. Le grondement de la place Tahrir a été un appel à questionner sa place au sein d'un système corrompu à toute échelle.
Viens voir, Akram, ils les tuent. Ils leur tirent dessus pour les tuer.
La violence est partout. Le roman raconte les martyrs, les morts, les viols, les insultes, et les grandes humiliations qu'ont subi les révolutionnaires. La mort est partout dans le récit. Les révolutionnaires le comprennent peu à peu.
L'auteur a eu le courage de confronter l'influence de la religion, quand elle est dévoyée au service du politique. Nourhane devient la porte-parole d'une religion instrumentalisée au service du pouvoir, qui devient mensonges délibérés, manigances et corruption.
Ces manifestations suscitent la colère de Dieu et de son prophète. L'islam nous prescrit d'obéir à celui qui est en charge du pouvoir et de le conseiller s'il enfreint la loi religieuse.
La structure du livre suit celle que l'Histoire a raconté: la liesse qui suit la démission de Moubarak ne dure pas longtemps. Le ton du roman change, la violence monte, le système s'assombrit plus que jamais. On entre dans une phase où chacun des personnages suit un chemin vers un écrasement brutal et total.
Tout ceci est résumé par la formule de Mazen, selon moi le passage le plus marquant du livre:
J'ai ressenti le même désespoir que j'éprouvais enfant, sur la place d'Alexandrie, lorsqu'une vague venait détruire les beaux châteaux de sable que nous avions construits et les faire disparaître en un instant, comme s'ils n'avaient jamais existé.
Que reste-il de la révolution de la place Tahrir ? Que faisons-nous de ces beaux châteaux de sable disparus par une vague de répression et de corruption à peine quelques années après ?
Ces châteaux de sable existent encore, et existeront toujours dans la tête et dans le coeur de toute personne qui a vécu les Printemps arabes. Ils nous ont fait rêver, ils ont ouvert une voie. Cette flamme de Tahrir continue de brûler au fond de millier de jeunes à travers la Maghreb et le monde arabe. Il lui suffit d'une étincelle et la flamme repartira.
Les Printemps ne seront pas balayés. Le sang des martyrs est encore dans les mémoires. Il ne faudra pas oublier ces rêves, il ne faudra pas désespérer le monde arabe.
Créée
le 27 août 2024
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