C'est l'histoire d'un pays qui s'éveille d'un cauchemar, qui se soigne de la gangrène, qui en ouvrant les yeux, aperçoit la liberté. C'est l'histoire d'un pays qui se lève, se soulève.



J'ai couru vers le Nil. Les grenades lacrymogènes remplissaient
l'atmosphère et moi je pleurais, je ne sais pas si c'était à cause du
gaz ou à cause du jeune qui était mort, ou à cause de moi, ou si
c'était pour tout ça à la fois.



Alaa El Aswany n'a pas eu le droit de publier ce roman en Égypte. Son combat ? Défendre les valeurs de la démocratie. Aujourd'hui il vit aux États-Unis. Il fait le récit d'une révolution que nous français, n'avons vécue que par le prisme des médias. Lui, en 2011, il était là, sur la place Tahrir, à risquer sa vie pour défendre les droits les plus fondamentaux de l'Homme.


2010 : le Printemps Arabe débute. Un grand mouvement de contestation populaire se déploie en Tunisie, au Maroc, en Libye, au Yémen, en Jordanie. En Égypte, la révolution commencera le 25 janvier 2011 sur la place Tahrir. Les causes de ce grand mouvement impulsé par la jeunesse ? La corruption du pouvoir, l'absence de libertés individuelles, le coût de la vie, le chômage. En Égypte, la justice est inexistante et, tandis que corruption et aveuglement règnent chez les hauts fonctionnaires, le peuple est contraint de partir travailler dans les pays du Golf ou de se laisser survivre tant bien que mal.


Au cœur de ces méandres politiques : la religion omniprésente et la soumission séculaire du peuple égyptien aux pouvoirs en place. L'Égypte ne se soulève pas, elle se soumet à son dieu et à sa nation.


Dans les années 2000, c'est une jeunesse schizophrène qui se soulève. Des jeunes écartelés entre le respect des règles et des traditions et le monde moderne qu'ils aperçoivent par la fenêtre des réseaux sociaux.


J'ai couru vers le Nil est le récit choral de la course de l'Égypte vers une transition démocratique.  Le récit de la quête de liberté, celle qui permet de faire des choix, celle du libre arbitre.


Les voix des personnages d'Alaa El Aswany ne sont pas uniquement celles de la révolution, ce sont celles aussi de la religion et du pouvoir. Il en est ainsi de Nourhane et du général Alouani, tout deux entièrement dévoués à leur religion et à leur pays. La pire atrocité se trouve alors justifiée par la volonté d'un dieu qui parle par la bouche d'un cheikh soumis. On peine ainsi à haïr ces personnages tant ils croient profondément au bien fondé de leurs actions. Ils ont derrière eux des siècles d'obscurantisme. Face à eux : une jeunesse suffisamment courageuse pour affronter père et mère, pour mettre sa vie en péril place Tahrir. Pour manifester main dans la main, chrétiens-musulmans-coptes d'une même voix.


On ne saura jamais vraiment combien de morts. On ne saura jamais l'amplitude de ce que le pouvoir a tenté de cacher, on ne saura jamais qui a été le premier instigateur de la révolution. En lisant J'ai couru vers le Nil on saura en revanche entendre les voix d'une Égypte opprimée et aveuglée qui s'éveille à la liberté.

Dadou-lit
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le 11 juin 2019

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