J'ai perdu tout ce que j'aimais par AgatheHo
On croit retrouver le Sacha Sperling de ses précédents romans. Le début du livre nous le restitue : il effectue son retour désabusé dans les soirées de débauches qu'il n'a que trop décrites dans son premier roman. On retrouve ses amis des beaux quartiers, qu'il croise très naturellement dans des cafés et des restaurants hors de prix, leurs appartements Haussmanniens et leur consommation plus qu'ordinaire de stupéfiants.
Et puis le ton change, subtilement, habilement. Il y a d'abord ces retours lucides sur lui-même, sa célébrité, son succès comme une étoile filante : brillant, fugace, trop vite oublié par le grand public. Et il y autre chose aussi. Ce malaise à l'égard de ce monde clinquant où il évolue, et qui ne lui apporte que du vide. Cette absence d'amour que le titre inspiré par Alain Souchon ne résume que trop bien. Ainsi, lentement, la tension monte. Les choses semblent moins nettes, leurs contours s'estompent. Ce qu'on croit est-il bien ce dont il a l'air ? Le narrateur est effrayé, en proie à une terrible paranoïa. On prend corps et âme son parti, on le croit harcelé, décrié, traqué. Jusqu'à ce que... Au détour d'une page, la puce à l'oreille. Des choses qu'on avait pas remarqué jusqu'ici qui prennent un autre sens.
C'est un roman de grand maître que Sperling nous livre ici, jouant habilement avec la réalité des choses et les apparences. On croit avoir à affaire à un roman introspectif, on s'enfonce dans le thriller psychologique. C'est habile, et toujours mené avec l'élégance de son style. L'auteur de "Mes illusions donnent sur la cour" a gagné en maturité et en puissance, sans perdre la fraîcheur de sa verve naturelle et le tranchant de son ton. Réellement brillant.