Avant de passer à la critique du contenu du livre, il faut savoir que cette édition se trouve être dans une optique du mouvement de décroissance. Donc ce n'est pas à proprement parler d'une synthèse de la pensée ellulienne mais des points sur lesquels il se trouve en accord ou en désaccord avec le mouvement de décroissance. L'idée est louable et aurait pu mener sur des réflexions extrêmement intéressantes mais le résultat est tout autre.

Premièrement, le livre fait 107 pages. Si on enlève les interviews ou les quelques extraits de livre d'Ellul à la fin du livre, on arrive à un nombre total de 43 pages où Latouche parle et critique ses réflexions. Je trouve cela légèrement osé de vendre un livre à ce prix dont l'auteur a rédigé moins de la moitié du contenu. De plus il passe d'un sujet à l'autre en très peu de page (la partie sur le travail fait 3 pages...). Pourquoi l'auteur ne s'est-t-il pas concentré sur un point spécifique de sa pensée ? Je pensais trouver une synthèse des réflexions du penseur sur la technique suivi d’un point de vue de la décroissance alors qu'il parle finalement très peu du totalitarisme technicien.

Deuxièmement, je lui reproche de ne pas viser précisément un type de public. C'est à dire qu'il tente de reprendre les pensées d'Ellul de manière très breve pour toucher un public pas forcément connaisseur mais de l'autre côté, il n'explique pas suffisamment le vocabulaire spécifique à Ellul. Je pense par exemple aux passages qu'il cite ou il parle du système technicien. Comment comprendre ça sans une once d'explication sur ce système ? Pareil pour le phénomène technique ou l’impératif technicien.

Troisièmement, je trouve que Latouche fait des raccourcis trop simplistes. Par exemple, il reproche à Ellul de ne pas suffisamment prendre en compte le facteur économique. Là-dessus il y a effectivement des ambigüités : Ellul parle du système technicien comme un ensemble en soi qui se trouve être le facteur déterminant. Malgré ça, il explique très justement qu'il s'agit d'une influence réciproque entre la technique et l'économie. La croissance économique dépend des capacités productrices, donc des technologies. De l'autre côté, l'économie permet de faire naitre les nouvelles inventions et les appliquer concrètement par le biais d'investissements.
"Négativement l'économie peut donc soit bloquer le développement technique par défaut de puissance, soit empêcher l'application technique; le programme technique est conditionné par deux séries d'impératifs économiques en pays capitaliste par la rentabilité de l'investissement, le second impératif économique qui se rencontre partout est la possibilité de se procurer des capitaux nécessaires à l'investissement." (Le Système Technicien. p.147)

Malgré ça, les passages à la fin du livre sont très justement choisis et concordent assez bien avec le mouvement de décroissance, même si les explications qui les introduisent sont aussi trop légères.

En bref, je suis plutôt déçu, en liant la critique ellulienne de la "technocratie" avec le mouvement de décroissance, il y aurait pu en sortir une analyse beaucoup plus pertinente et complète.
psy_
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le 11 févr. 2014

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