Le 20è siècle sous l’œil et la plume de Erwin Blumenfeld, reconnu comme un très grand photographe de son temps, révélant les talents d’un extraordinaire conteur.
Difficile de résumer cette œuvre autobiographique colorée d’une verve incroyable d’humour et de dérision, où se côtoie l’intime et l’extrême violence de ces 30 ans de guerre, de 1914 à 1944.
Juif Berlinois, il déclarera ne connaitre aucune patrie, ne sera pas allemand, peut être ‘Berlinois du sud-ouest’, jamais Hollandais, ou à grand peine Amsterdamois (en 17 ans), pas Français, ou que Montparno de la rive gauche, pas Américain, mais passionnément New Yorkais de Manhattan.
De sa naissance (1886), ainsi qu’il se décrit, ‘de chambre noire en chambre noire’ ‘en d’autres mots, né râleur’, d’une mère, comme ‘ces mères qui ne divorcent à regret surtout d’avec leurs fils’.‘
Né pour voir, nommément désigné pour le regard, voyeur aveugle, auditeur sourd’, Blumenfeld criera en filigrane ‘ma défaite a coïncidé avec toutes les fins du monde’. Par ces temps de guerre, citant Thomas Mann, ‘l’idole des bourgeois, ‘les plus gais dans les hostos sont les aveugles, ils se chamaillent et jouent avec leurs yeux de verre, etc….’
A l’identique de toute une génération conçue sous ‘la majesté moustachue froissée à perpète de Guillaume II’, il ne pourra faire longtemps abstraction de la moustache d’Hitler. Il décrira sa famille comme issue de la couche supérieure du bon milieu bourgeois, ce qui ne l’empêchera pas d’être décimée par la mort du père, la tuberculose maternelle, puis par l’inflation, dans une ville qui deviendra ‘la reine de laideur incontestée des ruines de ce monde’.
Rapidement accoutumé à la peur préfigurant ‘la réalité germanique’, il sera imprégné de la course de la ‘bête traquée dans la forêt teutonne, des contes sadiques de Grimm, Hoffman, etc..’, il déchiffrera dès l’âge de 3 ans, sur les portes des tavernes berlinoises ‘les juifs à la porte’, faisant le parallèle en 1943, avec une affiche lumineuse en Floride, ‘no dogs, no jews, no niggers’.
Sous l’illusion d’un siècle d’émancipation, ‘la pestilence du ghetto et le fantôme du pogrom’, se sont convertis en six millions de juifs, et la banque d’Allemagne, en leurs valeurs or, tandis qu’Hitler affligé d’une grand-mère juive, aurait pu finir ses jours à Brooklyn en bon vieux rabbin…’
En répétition de la pandémie (Grippe Espagnole), puis du siècle d’après (Covid), le monde ‘répugnait déjà à être l’obligé de ses maladies’.
Avant l’arrivée de la Penicilline et Sulfamides, Blumenfeld raconte l’ère torve ‘du symbole odieux de la bourgeoisie, le préservatif, ou french letters, imper à bites, sac à pines’, etc.., préventif de vie et de la mort’. ‘Alors que le peuple Allemand se bandait les yeux pour ne pas voir sa syphilis’. Ce sera ‘mu par sa passion pour le nombre d’or, inspiré de l’étalon des seins de sa nourrice, sans jamais se revendiquer photographe (qu’il considérait comme métier de miséreux), ‘le style vient plus tard, s’il vient jamais’, et il ne devint photographe, que parce qu’il ne lui restait plus rien d’autre à faire.