Je n'ai jamais eu de chagrin qu'une heure de lecture n'ait dissipé
Jean-Jacques Rousseau
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L'ouvrage et son auteure (j'ai appris que l'on disait « coordinatrice », en l'occurence, pour ce type de travail) valait bien que je m'étende quelques minutes sur mon clavier ; voici cinq bonnes raisons d'acheter le bouquin de la providentielle Marie Barbier.
Si vous êtes une ex lectrice assidue du magazine, si êtes passée par la case benne à ordure un jour de ménage de printemps mal inspiré il y a de ça quelques années [ETERNAL REGRETS], tout ce qu'il vous reste de vos 20 ans, c'est sûrement de vagues pseudos de journalistes, l'adresse du mag (Pierre Avia !) et, si vous avez lu et relu certains articles avec ferveur, quelques inoubliables iconos (quelqu'un se souvient du VAT 69 ?) et autres maximes savantes pleines de vérité que vous aurez apprises malgré vous, par coeur.
Il y a des choses qui furent « imprimées » dès les premières lectures, des trucs qui m'ont éduquée et guidée (me guident encore et toujours aujourd'hui.)
Pour moi, 20 ans, c'était « la vérité froide » – et j'aimais qu'on m'explique et me dépeigne cette vérité là. Il faut dire qu'à l'époque, je ne me l'étais pas encore appropriée par mes propres moyens : autostop, révisions du bac, études compliquées, garçons timides, premiers boulots, vie à deux chiante, jeunesse à risque, vie sentimentale abradacabrantesque, week ends sans dormir, psychothérapie, études moins compliquées, autres boulots, lâcher prise, et j'en passe. J'avais pas encore vu le film, mais 20 ans m'avait fait le teasing, bien comme il faut.
Mais stop, à coté de Marie Barbier je cause tièdement de 20 ans et je suis là pour vous vendre son livre (même si son lectorat l'aura déjà trouvé) car c'est une pièce qui vaut le coup, et qui, je l'espère sans secret, sera ré éditée dans une version illustrée.
1. Découvrir l'envers du décor
Coté interviews, Marie Barbier est allée franchement au charbon, et l'on apprend tout sur la rédaction « culte » du magazine (1993-2003 – RIP) ses figures, ses moyens, sa stratégie, son idéologie, son déterminisme, la manière qu'on avait d'y organiser le travail : tout est passé en revue jusqu'aux brêves de couloir, aux moqueries et autres rivalités entre collègues.
Une mine d'or pour toutes celles qui ont été curieuses de ces choses-là et ce sont toujours demandé comment on pouvait s'organiser pour balancer un tel pavé dans la marre chaque mois.
2. Lire des articles que vous n'aviez jamais lus
Aussi bon que recevoir, 40 ans plus tard, une lettre perdue de la part votre amoureux mort au front.
J'ai commencé à lire 20 ans au printemps 1996 (en réalité c'était plus tôt, je m'en rend compte en browsant une base de données d'archive de journaux – je me rappelle de couvertures achetées jusqu'en 1994 ou 1995.) C'était un après-midi ou je n'étais pas au lycée, je l'avais acheté pour la salle d'attente du dentiste. Sur l'autoroute de ma vie culturelle, c'était un peu comme découvrir un Autogrill pour la première fois sur le chemin de Milan, et se faire presser un véritable panini italien à la roquette. À l'époque, je venais de m'envoyer l'intégrale d'Arthur Rimbaud, et la nuit j'écoutais Fun Radio. Autant dire qu'il me manquait un peu de fun niveau lecture. Je vous rappelle à juste titre [STUPEUR] qu'Internet n'existait pas [TREMBLEMENTS].
L'anthologie de Marie Barbier remonte jusqu'en 1993. Ca laisse de la marge niveau inédits, potentiellement plus de 36 mois, dans mon cas : car oui, après l'après-midi chez le dentiste, je n'ai plus jamais manqué un seul rendez-vous avec mon mentor, jusqu'à ce que mort (cérébrale) s'en suive.
3. Relire des articles que vous avez déjà lus
Vous vous en rappeliez, ou vous ne vous en rappeliez plus. Aucune importance, on se fend toujours la gueule pareil, et relire ces textes assassins à 31 ans m'a permis de constater que l'âge n'avait rien à voir là-dedans.
4. Lire certains articles à votre mec
Qu'il comprenne bien ce qu'est une fille extra avertie (il a le droit de rigoler un peu aussi.)
5. Arracher des moments à votre inconscient
Dure nostalgie. Se souvenir, à la relecture d'un article, où l'on en était dans sa vie à cet instant précis, parfois même où on l'avait lu, avec qui. Il n'est pas évident de se reconfronter à ce qui nous a construits. Mais parfois, il est heureux de constater où cela nous a mené.
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