D'éleveur de chèvres à historien, spécialiste de la Grèce antique, que de chemin parcouru. Dans Je suis né huit fois, Saber Mansouri raconte une enfance, une adolescence et une jeunesse qui ressemblent fort à la sienne. Une biographie romancée qui est aussi un portrait à rebrousse poil de bien des clichés d'une région de Tunisie, la Montagne blanche, là où sont les racines de l'auteur, endroit aimé qu'il lui faudra pourtant quitter pour trouver sa voie. Pour son premier roman, Mansouri a choisi de prendre directement son lecteur à témoin. Il l'interpelle, lui explique, non sans ironie, comment un petit garçon débrouillard et doué pour les études se fraie un chemin en finissant par abandonner les siens sans pour autant les trahir. Il y a beaucoup de malice dans ce livre délicieux qui ne craint pas de mêler l'anecdote et la philosophie. Ainsi, cet hommage appuyé à la race caprine : "on ne garde pas les chèvres, on les suit", dont l'énigmatique comportement n'est pas loin d'avoir la profondeur des écrits d'Aristote, dont la figure tutélaire revient souvent. Je suis né huit fois a tout du roman d'apprentissage métissé de sagesse et d'irrévérence. Mansouri est aussi à l'aise pour décrire le grouillement d'un marché que pour s'interroger sur l'impossibilité de mettre en place la démocratie en terre d'Islam. Au passage, il évoque la fille qu'il a aimée et qu'il a perdue après tirage au sort (il faut le lire pour le croire), ses années d'école et d'université et ses conversations avec l'Imam. Ses dialogues sont ciselés et d'une grande drôlerie. Loin de l'autobiographie complaisante, le livre est une leçon de vie, jamais sentencieuse, toujours passionnante.

Cinephile-doux
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le 12 janv. 2017

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