L’Angélus me fascine. Ce petit tableau, 55,5 sur 65 centimètres, m’envoute. Je me surprends à me perdre dans la contemplation de ce couple d’agriculteurs. Il est tard, la journée de travail est terminée, la cloche de l’église a sonné, ils ont posé leurs outils et ils prient. Vus à contre-jour, leur visage est caché. Ils pourraient être mes parents. De lointains parents. Je suis un urbain. Aussi loin que remonte la mémoire familiale, nous sommes des urbains. Pourtant, je ressens un attachement diffus à la terre. Comme vous tous, je descends de générations d’agriculteurs, laboureurs, bouviers, journaliers, métayers et autres fermiers. J’ai perdu mes aïeux terreux.


J’aimerais comprendre l’amour atavique de la terre, celle qui nourrit. La souffrance des journaliers, sans-terre, « sans feu, sans lieu, sans aveu ». La vie communautaire, locale, stable, inchangée durant des siècles. Le cycle immuable des saisons, des fêtes religieuses et des décès, seulement troublé par les disettes et les guerres et famines. Une vie d’autosubsistance, excluant tout superflu. Le bonheur fragile des petits agriculteurs attachés à leur lopin. Une précarité face à la mauvaise récolte et à la maladie. Que me reste-t-il pour évoquer ce passé obéré ? Rien, si ce n’est L’Angélus. Millet a vécu dans la ferme de ses parents, à Gruchy en Normandie. Il a été berger, puis laboureur, avant de monter à la ville pour apprendre à peindre. « L'Angélus est un tableau que j'ai fait en pensant comment, en travaillant autrefois dans les champs, ma grand-mère ne manquait pas, en entendant sonner la cloche, de nous faire arrêter notre besogne pour dire l'angélus pour ces pauvres morts. »


Le tableau.


PS. L’Angélus est une prière catholique qui reprend les paroles de l’ange Gabriel à Marie et la réponse de cette dernière. Traditionnellement, elle est récitée trois fois par jour, à l’appel des cloches de la paroisse, à sept heures, midi et dix-neuf heures.


Bonne année.

SBoisse
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le 2 janv. 2018

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Step de Boisse

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