@idaculturemoi

Il est des livres qu’il faut prendre pour ce qu’ils sont. « Le Journal de L. » (2019) de Christophe Tison, est de ceux-là. Bien malheureux celui où celle qui s’attend à retrouver l’ambivalence et la manipulation qui faisaient toute la force du « Lolita » de Nabokov car ce n’est pas là l’enjeu du présent livre. À travers les pages d’un journal intime fictif, l’auteur s’applique à donner une voix à Dolores Hazes en vue de mettre fin à la romantisation de ce qui constitue un véritable crime : la pédophilie. L’écriture est fluide et tend à retranscrire l’incompréhension, l’acceptation, la colère, l’espoir mais surtout la force de cette jeune fille sortie de l’enfance avant l’heure, par le fait d’un adulte peu scrupuleux. Ce roman s’inscrit ainsi dans le mouvement de valorisation de la parole des victimes de violences sexuelles que connaît notre société actuelle. Il est en cela louable, même si, pour ma part, je ne considère pas que le rôle premier de la littérature - et de l’art en général - soit moral. Cela dit, raconter le vécu de Lolita implique de mettre des faits et des mots sur des zones d’ombre du roman original ; vous vous doutez bien que sur ce point il ne pourra convaincre tout le monde. Si les choix de l’auteur quant aux épreuves traversées par Lolita me paraissent cohérents, je trouve que la plupart des relations tissées par la jeune fille manquent de nuance. Fort heureusement, sa relation avec Humbert échappe plus ou moins à ce constat et la partie du roman qui lui est consacrée est, selon moi, la plus réussie.