Laissez-moi vous parler de Jane.
Elle est la rencontre littéraire à laquelle je ne m’attendais pas. Et je ne parle pas du livre en lui-même, non, mais bien de son personnage : Jane Eyre.
Jane a le charme des pages dactylographiées d’un vieux bouquin, leur sobriété aussi ; elle subit le temps, les épreuves, elle les épouse et les fait siennes. Cette tâche de café comme le brun de ses yeux, ce coin corné comme un pli dans sa robe.
Elle a cette dignité des petites gens ; de ceux qui croient en ce qui est bon, qui acceptent d’être docile pour une juste cause sans se soumettre pour autant. Car lorsque les circonstances l’exigent, Jane se dresse. Elle est une héroïne qui dit non. Parce qu’elle s’écoute, se connait, de sorte qu’elle agit dans le sens de cette sérénité à laquelle elle aspire. Et sa volonté, son courage, sa vive énergie lui donnent les moyens de lutter contre sa propre détermination.
« Ma vie était si misérable qu’il fallait la modifier ou mourir. »
Il arrive que ce soit l’imagination qui la sauve ; donnant aux choses qui l’entourent cette couleur sépia qui les font exister sans brutalité, avec distance, et dont Jane se nourrit pour cultiver son sens aigu de la vision. Comme après qu’on ait refermé un livre. Elle saisit instinctivement les contradictions de ceux qui l’entourent, leurs paradoxes. Elle observe amusée, elle ressent vivement. Parfois elle hait, en criant, puis en silence. Parfois elle aime, passionnément, puis en silence. On craint alors qu’en pliant un peu plus la tranche, elle ne casse. Mais Jane avance, toujours, refusant la fragilité de l’inertie.
Jane Eyre (1847), de Charlotte Brontë, était la première œuvre au programme du club de lecture « La cité des autrices » que j’ai créé en septembre dernier. Une belle manière d’entrer dans le monde fabuleux et plein de surprises de ces femmes qui écrivent. Encore merci à celles qui ont participé à cette lecture commune !