En me lançant dans "Julian", qui se déroule dans une atmosphère complètement différente de ce que j'ai lu de Robert Charles Wilson, je m'attendais à une rupture claire avec le schéma de "Spin". Si l'ambiance technophile contemporaine laisse place à un monde post-apocalyptique où la crise du pétrole a fait régresser l'humanité vers une société mi-féodale mi-fondamentalisme religieux, Wilson conserve son duo d'adolescents au destin exceptionnel.
Adam, le narrateur est issu de la classe bailleresse (la classe moyenne, médiocre), Julian est un patricien, neveu du président des Etats-Unis en rébélion contre son oncle qui a fait assassiner son père (vous suivez ?). Les deux acolytes évoluent dans un monde où l'obscurantisme est roi. L'église du dominion garde sous scellés toute la culture et tous les progrès technologiques des temps anciens pour dicter la sainte parole et la morale. Amoureux des arts et de la lecture Julian va par la force des choses faire obstacle au Dominion et tenter d'ouvrir la voie au progrès au péril de sa vie.
Il s'agit donc du traditionnel duo entre deux adolescents, le narrateur accompagnant celui au destin exceptionnel. On l'a déjà vu dans Spin et c'est exactement de même schéma. Leur amitié va perdurer tout au long du livre en passant par des haut et des bas, reste qu'Adam, le narrateur, incarne la pureté, la gentillesse et l'innocence jusqu'à la bêtise ... Ce qui, bien qu'utile à l'histoire, est assez crispant au fil des pages.
Là où la construction de "Spin" était audacieuse et captivante (en alternant les époques), "Julian" suit rigoureusement le cours chronologique des évènements et donc s'attarde bien trop longuement sur les aspects militaires de la carrière de Julian. Le livre présenté par Adam comme une biographie aurait gagné à aborder des situations plus personnelles au lieu des grandiloquents récits de l'armée, mais n'en est-il pas de même pour la majorité des biographies d'hommes de pouvoir ?
Malgré que l'histoire soit réellement centrée sur les personnages masculins, Julian, Adam & Sam (le protecteur de Julian), les femmes ont toute leur place et elles incarnent chacune une facette importante de la société. Emily, la mère de Julian est l'aristocrate éclairée en désaccord tacite avec l'Eglise et Calyxa, la femme d'Adam, incarne une passionaria révolutionnaire et provocante.
On commence à en avoir l'habitude mais Wilson confronte une nouvelle fois l'humanité au changement, au lieu d'être un bouleversement radical et brutal comme "Spin" ou "Les Chronolithes", dans "Julian" c'est l'humain même qui doit évoluer quant à son approche spirituelle du monde (redécouverte d'un athéisme, encore jeune) ou son rapport à la connaissance et au progrès.
Ce n'est pas le meilleur de l'auteur notamment à cause de son pseudo classicisme mal venu, mais le style doux et le sentiment d'humanité qui se dégagent de ce roman valent le détour. 7/10