"Marre des bisounours avec des épées qui disent vrai en 235 volumes !"
WAGNER (Karl Edward), Kane. L'intégrale 3 tomes, traduit de l'américain par Patrick Marcel, avant-propos de Gilles Dumay, [Paris], Denoël, coll. Lunes d'encre, 2007-2009
L'Heroic-fantasy est en pleine bourre depuis quelques années. LOTR et l'adaptation de Peter Jackson n'y a pas été pour rien et nous avons droit à notre lot de saga épiques en moults volumes au cours desquelles une épée, un héros et une héroïne vivent des aventures épiques emplies de fureur et ... de longueur. A les lire on croirait qu'une bonne série doit au minimum s'étaler sur une dizaine de volume, avoir sa petite part de perversion (violence, sexe, les deux), de morale aussi. Sans oublier, bien entendu, un artéfact mystérieux, un bon gros méchant mais alors très méchant, une quête initiatique, des nains, des elfes ou des trucs assez proches, un magicien et j'en passe. Il y a bien, ici ou là, quelques perles, quelques héros border line dans la veine d'un Elric mais tout ceci est tout de même assez souvent convenu.
Et bien Kane ce n'est pas ça. K.E. Wagner était un fan de Crom. Un adorateur de Conan et de son créateur, Howard – à moins que ce ne soit Conan qui est généré Howard pour que l'on connaisse enfin ses aventures. Toujours est-il que nous sommes, avec ce cycle édité chez Denoël, dans du Pulp et assumé comme tel. Une écriture assez simple, ce qui n'empêche pas quelques très bons moments. Des romans assez courts et qui ne se suivent pas nécessairement ; quelques nouvelles coup de poing pouvant se lire en une journée voire une après-midi. De l'aventure, souvent classique dans ses ressorts, jamais ennuyeuse. Wagner s'éclate avec Kane et nous aussi. Mais alors qui est-il ? Kane est un monstre. Un enfoiré. C'est l'anti-héros que nous attendions. Un mec amoral, qui trahit, sert toutes les causes, pourvu qu'elles paient et apportent de la gloire. Un sorcier devenu guerrier qui a eu le malheur d'être condamné à l'éternité. Le voilà traversant donc les âges, sillonnant les siècles à la recherche du pouvoir, sans que celui-ci daigne vraiment l'accueillir les bras ouverts. Le Bien ? L'amour ? Les Bisounours ? Qu'ils aillent se faire foutre ! Kane est en fait un mec normal, donc ni blanc ni noir, juste un homme. Il a ses petites lubies ; ses faiblesses. Quelle joie de voir ce géant roux faire de grands bras d'honneur au manichéisme que l'on aime tant en Occident, suivant en cela la tradition judéo-chrétienne bien ancrée dans nos cultures.
Il semblerait que ces 3 tomes se soient mal vendus ; peu importe, Denoël a été au bout de l'édition. Heureusement que nous ne sommes pas dans une série américaine sinon nous n'aurions pu découvrir cet excellent avatar de la culture pulp, populaire dans tout ce que ce mot peut avoir de richesse. Je vous propose donc de courir découvrir le premier tome : 2 romans « La pierre de sang » et « La croisade des ténèbres ». Deux histoires indépendantes, pleines de fureur et de moments jouissifs. Le premier roman associe par exemple sorcellerie, extraterrestres, forces indomptables, un zeste d'amour et de folie, bref, ce n'est pas le pays de Candie ! C'est parfois bourrin, il y a du Conan dans ce Kane, mais aussi un zeste de Lovecraft ; quoi de plus normal lorsqu'on sait que ce dernier a entretenu de forts liens avec le père de Conan.
Kane ; il n'attend que vous ; si vous n'en voulez pas, il vous emmerde.