Saül Friedländer né à Prague en 1932, citoyen israélien depuis 1948, tente d'expliquer dans ce livre, sorti en janvier 1967 "Kurt Gerstein ou l’ambiguïté du bien", quel fut la vie et l'engagement de cet homme, Kurt Gerstein qui vit l'horreur au plus près, allant jusqu'à entrevoir de se jeter dans les chambres à gaz avec les victimes juives lors du gazage de celles-ci pour vivre leur calvaire au plus près.
Kurt Gerstein est né à Münster (Rhénanie du Nord-Westphalie) le 11 août 1905, il est le sixième enfant d'une famille protestante de sept enfants.En mai 1933 Hitler est au pouvoir depuis trois mois. Gerstein alors ingénieur des mines devient membre du parti National-Socialiste. Comme de nombreux autres Allemands de cette époque c'est l'aboutissement d'une éducation autoritaire, d'une tradition nationaliste et de cette influence religieuse qui combine les deux.
Le Vicaire de Roth Hochhuth a révélé au grand public son existence, protestant engagé volontaire dans la SS, dont les efforts pour informer le Vatican et le Monde des crimes perpétrés dans les camps de concentration furent vains..
Ce livre tente d'expliquer ou tout au moins de cerner au plus près de la réalité qui fut Gerstein, ce qu'il fit exactement pour saboter la machine d'extermination nazie, dans quelle mesure y arriva-t-il et quel fut le prix à payer pour son engagement. Comment aussi expliquer son suicide dans la prison du Cherche-Midi à Paris en 1945.
Le silence et la passivité totale des Allemands, l'absence de toute réaction des Alliés et des pays neutres, l'Occident chrétien dans son ensemble devant l'extermination des Juifs donnent aux actions de Kurt Gerstein leurs véritables sens. Ses appels étant restés sans écho, son engagement fut solitaire. Son sacrifice fut-il inutile ? Devient-il alors culpabilité de ne pas avoir fait plus ? Comment cela aurait-il été possible d'ailleurs.
Postface par Léon Poliakov. (Léon Poliakov, né le 25 novembre 1910 à Saint-Pétersbourg et mort à Orsay le 8 décembre 1997, est un historien français. Ses travaux ont notamment porté sur la Shoah et sur l'antisémitisme)
"Les silences de Pie XII, eux aussi dictés par une prudence d'homme d'état, restent le symbole de cette conspiration d'inhumanité contre le Peuple de la Bible"
"Kurt Gerstein n'a pas réussi à arrêter le massacre. De quoi s'en s'en est-il fallu ? Saul Friedlander nous le dit : d'une poignée d'Allemands comme lui, mettant chacun son grain de sable dans les rouages de la machinerie exterminatrice ou d'une protestation publique de ces pasteurs et de ces prêtres qui lorsqu'il s'agissait de juifs se taisaient tout le long de la guerre mais qui surent faire renoncer Hitler à son programme d'euthanasie (des handicapés mentaux)"
"Le dispensateur de la grâce posthume de Kurt Gerstein, le ministre Kurt Kiesinger, appartient à la même génération que lui, il fut membre du parti nazi comme lui, mais à sa différence il n'eut jamais de difficultés avec les autorités hitlériennes. On peut croire qu'à sa différence, il n'était pas un gêneur, un fauteur de troubles, encore moins un martyr du remords allemand. Les crimes du régime ne le préoccupaient pas à l'excès. Il aurait continué à le bien servir, le cas échéant, dans une Europe pacifiée et soumise à l'Ordre Nouveau hitlérien, purement aryenne, dans laquelle le souvenir des enfants d'Israël se serait perpétué comme celui d'une race de dragons sanguinaires, exterminée par le preux chevalier blanc Adolf Hitler."
(Commentaires puisé dans le livre lui-même, souvenirs de lecture ou encore notes personnelles)