L'Espace vide
8.2
L'Espace vide

livre de Peter Brook (1968)

Promis j'écrirais un jour une autre critique sur ce livre merveilleux de pertinence et d’intelligence, mais aujourd'hui c'est comme une sonnette d'alarme qui retenti et qui me dis qu'il y a urgence pour les humains de bonne volonté à réfléchir. Et je crois que Peter Brook dans son petit ouvrage nous fournit les données du problèmes qui nous déchire l'âme en ce moment.

J'explique.

Peter Brook nous offre le compte rendu d'une expérience qu'il a réalisé dans les années 60/70. La voici (de mémoire).

Durant une conférence sur le théâtre, il demande à un participant de lire un extrait de la pièce de Shakespeare Henri V énumérant les morts de la bataille d'Azincourt. Les auditeurs sont distraits et assez inattentif.

Puis il demande à son lecteur de lire un extrait du texte de Peter Weiss "L'instruction" dans lequel le fonctionnement d'Auschwicz est décrit en détail de manière froide analytique glaçante (lire cette pièce est une expérience aussi éprouvante qu’indispensable). Le lecteur est d'emblé saisi par l'émotion puis tout l'auditoire à son tour. Le silence se fait durant la lecture et perdure ensuite.

Peter Brook interroge ensuite le public en le questionnant sur cette différence de ressentit les auditeurs peinent à s'expliquer. Une réponse qui émerge est que Azincourt c'est le passé, Brook fait remarquer qu'Auschwicz aussi relève du passé. On lui répond que c'est pas pareil. Il questionne alors sur la différence entre 20 ans et 400 ans en se demandant quand un cadavre devient historique.

Puis il reprend son développement sur le théâtre.

Notons que Peter Brook a là la pertinence de poser une question essentielle et l'intelligence de ne pas y répondre. Car c’était une question impossible le trauma de la Shoah (qu'à l'époque on avait pas encore ainsi désigné (ne pas nommer les chose révèle l'ampleur du trauma qui s'installe dans l’indicible)). Mais aujourd'hui ? Malheureusement face aux agissements dévoyés de l'état d’Israël à l'égard du peuple palestinien (et pas seulement par rapport à ces derniers mois sauf que ce avec qui se passe à Gaza aujourd'hui, il n'est plus possible de regarder ailleurs) il n'est plus possible de laisser les victimes de la *shoah dans le mausolée mémoriel ou péniblement ils avaient été logé. Pour penser ce qui se passe aujourd'hui il nous faut (c'est dur c'est insupportable) appréhender la Shoah comme un phénomène historique passé (j'en tremble en écrivant celà).

Pourquoi ? Parce que l'ombre pesante et culpabilisante de de l'extermination nazi opère comme une chape et empêche toute réflexion critique à l'égard du drame qui se passe dans ce petit pays où deux peuples frères (ils prient le même dieu quand même) se déchire de manière atroce.

Comment sortir de cette horreur je ne sais pas mais je crois que l'examen historique des ressorts de l'instrumentalisation de la mémoire de la Shoah sera nécessaire. Douloureux sans aucuns doutes mais nécessaires. Douloureux car c'est notre sentiment de culpabilité qu'il faudra questionner.

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le 7 mai 2024

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