Bonjour, avec cette fiche je poursuis mes réflexions sur la fonction du groupe héroïque dans la BD classique franco-belge. Après le Trio je propose de nous pencher sur le DUO qui semble plus adapté aux histoires courtes à vocation comique.
Pour ce faire je m’appuierais sur les gags de la période Fantasio de la saga Gastonienne. On sait que Franquin en abandonnant Spirou à Fournier a choisi de ne plus recourir à Fantasio comme partenaire de de son héros sans emploi ce faisant il accentue une évolution décisive de son univers qui ne cessera de s'enrichir. J'aurais l'occasion d'y revenir mais pour l'instant concentrons nous sur le couple Fantasio Lagaffe.
Gaston et Fantasio, un cas de dramaturgie clownesque
Les premiers gags de la série « Gaston Lagaffe » (Spirou) montre un personnage très replié sur lui-même en proie à un penchant pour le sommeil. Les rapports Fantasio / Gaston sont empreint d'une grande violence et relèvent du duo clown blanc (Fantasio) auguste (Gaston) auquel ils empruntent à la fois l'économie de moyen en décors et accessoires (majorité de fond unie absence de profondeurs champs) et la simplicité des intrigues d'un comique de situation. Les deux protagonistes entretiennent entre eux des rapports d'une grande violence. Vis à vis d'un Gaston / auguste enfant, Fantasio dans un rôle clown blanc s'assimile plus à un grand frère qu'à un éventuel substitut paternel. Dépourvu de la puissance et de l'autorité du père Fantasio s'essaye sur Gaston à en copier l'attitude. Il a pour lui des attentions qui dépasse les simples rapports professionnels comme celle de l'envoyer à la campagne (aout 1964: Gag n°315 « Gare aux gaffes du gars gonflé » p.15) et il lui fait la morale, y compris à l'aide de références religieuses.
Juin 1962 : Gag n° 200 (« Gaston 4 » p. 12) :
Fantasio : « Car vous savez bien, Gaston, que LA FOI TRANSPORTE LES MONTAGNES »
Exhorte que Gaston prend au pied de la lettre en lui apportant une montagne (de courrier). L'utilisation comme ressort comique de la confusion entre sens propre et sens figuré est également présent dans le Gag n°198 (mai 1962) et constitue un classique de la mécanique du comique clownesque . Si Fantasio morigène Gaston à chaque catastrophe qu'il provoque, l'exaspération le pousse parfois dans une logique d'imitation de la toute puissance paternelle à vouloir le supprimer de la manière la plus violente à l'image des gags 139 et 142 (mars 1961) qui le montrent en furie étranglant Gaston.
Plusieurs gags du début de la série met le duo Gaston / Fantasio au prise avec une effigie de Gaston en latex grandeur nature . Avec ce double-jumeau, Gaston entretient un rapport fusionnel, quand Fantasio s'avise de peindre le latex en blanc pour les distinguer l'un de l'autre (n°120 juin 1960) il se barbouille accidentellement de peinture et rétabli immédiatement la gémellité de départ. Cette similitude gémellaire non biologique trahit psychologiquement une régression au stade oral passif où le névrosé retrouve les fantasmes auto-érotique de sa prime enfance et n'entretient plus aucuns contacts avec l'extérieur .Le Gaston latex par sa fonction miroir figure là des tendance autoérotique. L'hostilité constante de Fantasio à l'égard du double latex peut également se lire comme l'expression de la frustration qu'il éprouve vis à vis du comportements autoérotique de Gaston, ses tentatives d'étranglement envers Gaston peuvent se lire comme des tentatives de viol naissant de la frustration d'un désir homosexuel refoulé . Le mannequin de Gaston en latex cristallise au sein du duo Gaston Fantasio une part de la violence qui anime le duo (Fantasio le boxe (septembre 1960 n°132), lui plante une punaise dans le nez (juin 1961 n°159) et fini par tenter de l'éliminer deux fois (juillet 1960 n°123 et novembre 1961 n°175)).
Ce type de dramaturgie repose de manière quasi exclusivement sur l'antagonisme des personnages génère des situations immobiles. Quelque soit l'action entreprise par l'un des protagonistes, la maladresse, ou la malveillance, de l'autre provoque l'échec. Malgré tous les efforts qu'il entreprend Fantasio ne parvient jamais à faire aboutir la signature des contrats avec l'homme d'affaire de Maesmeker, et Gaston n'accède pas à la gloire qu'il rêve d'acquérir grâce à ses inventions. L'un et l'autre semblent condamné a demeurer dans la rédaction du journal en répétant à l'infini les mêmes actions.