Lorsqu’un hobereau gallois, misanthrope et hypocondriaque entame un tour de la Grande-Bretagne, cela donne l’un des récits les plus hilarants d’Outre-Manche!
Notre héros, c’est Matthew Bramble, quinquagénaire épris de solitude, mais qui sous des dehors excentriques dissimule un cœur d’or et beaucoup de droiture morale. Hélas, durant ce voyage, la patience du gentilhomme sera mise à rude épreuve. C’est qu’il ne part pas seul. Entre sa sœur acariâtre, son godelureau de neveu et sa nièce exagérément romanesque, Bramble ne peut jouir pleinement de ses cures thermales. Sans compter les embarras des hôtels, l’agitation des villes et l’insécurité qui règne sur les routes ! Ce périple nous conduit en effet du pays de Galles aux Highlands écossais, via Londres et les villes d'eaux anglaises. Cette œuvre, publiée en 1771, a souvent été qualifiée de picaresque. C’est un voyage riche en péripéties et ponctué de figures colorées, tel Obadiah Lismahago, lieutenant ayant vécu parmi les sauvages d’Amérique, ou encore Humphry Clinker, un valet ramassé dans le ruisseau qui jouera un rôle essentiel dans l’expédition des Bramble.
Comme souvent au XVIIIème siècle, il s’agit d’un roman épistolaire où les lettres de la joyeuse famille nous sont livrées telles quelles, avec leur vision toute personnelle du monde… et même leurs fautes d’orthographe. Ce voyage est aussi l’occasion de critiquer les mœurs du temps, car c’est sous le patronage de Hogarth, peintre et caricaturiste anglais, que se place le romancier. Comme lui, il fait œuvre de moraliste sans jamais se départir de son humour bon enfant. Tous les aspects de la société britannique au XVIIIème siècle sont ainsi envisagés. En compagnie de la famille Bramble, le lecteur assiste à une tea party dans un salon élégant de Londres, avant de se promener au Vauxhall, puis de se mêler à la foule des vacanciers de Bath. Mais si Liddy, la nièce de Bramble, s’émerveille de toutes ces nouveautés, Matthew, lui, porte souvent un regard désabusé sur le monde qui l’entoure. Aigreur du vieil âge ou lucidité de l’auteur lui-même ? C’est en tout cas une œuvre qui donne à réfléchir sans jamais renoncer à divertir. Smollett nous ménage bien des surprises car à la satire sociale se mêle une intrigue amoureuse – celle de Liddy et de l’aventurier Wilson -, ainsi qu’un secret de famille dont le dénouement du récit livrera la clef.
Connaissez-vous Tobias Smollett (1721-1771) ? C’est l’un des plus grands romanciers anglais du XVIIIème siècle. Son style ironique, son humour plein de fantaisie ont inspiré William Thackeray, père de « Barry Lyndon » et de « La foire aux vanités ».