L'autobiographie d’un « artiste fou »
Dans cet ouvrage, l’auteur et artiste évoque un parcours qu'on lui connait déjà. Artiste contemporain connu avant tout pour ses peintures, l'artiste est aussi graveur, illustrateur, scénographe - et sculpteur, depuis peu.
Mais son fil directeur, parallèle à la peinture, est celui de la « maladie », dont il souligne lui-même l’ambiguité :
« Selon les époques, les mots me concernant ont changé : on m’a dit maniaco-dépressif ou bipolaire… Un siècle plus tôt, on aurait juste dit fou. Je veux bien. »
La première crise, l’auteur la raconte en détail dans l’ouvrage. Sa femme Elisabeth est alors enceinte de leur premier enfant ; il s’enfuit. Sans rien, il s’échappe par le train, agressant les passagers, reniant son identité, distribuant à tours de bras l’argent volé dans la maison de ses parents, avant d’être repéré et interné en urgence à Sainte-Anne. Premier séjour – loin d’être le dernier.
C’est assez fascinant de réaliser ce qui se passe dans l’esprit d’une personne en pleine période de crise. Loin de taire quoi que ce soit, loin de se justifier, l’artiste révèle avec une franchise parfois déroutante la réalité de ces phases critiques durant lesquelles il semble perdre progressivement le contrôle de lui-même, se laissant aller à une violence démesurée du verbe par laquelle il touche les personnes qui lui sont les plus proches. On n’entre pas pour autant dans le pathos, et l’auteur ne fait de ces récits que des épisodes entre lesquels son inspiration créative se révèle.
Un manifeste artistique ?
Si elle est l’un des fils directeurs, cette « folie » comme il l’appelle n’est pas l’élément central de ce récit finalement assez concis de la vie de l’artiste. Ce dernier développe avant tout son parcours créatif, faisant part de ses premières ébauches, de ses doutes persistants, et, surtout, de la vision qu’il a de ses propres oeuvres – et celle qu’il espère de son public vis à vis d’elle.
Cette autobiographie nous offre le point de vue d’un artiste sur l’art qui lui est contemporain. Ainsi passe-t-il un certain temps à évoquer sa difficulté à trouver sa place dans un monde de surenchère perpétuelle – à la fin de l’ouvrage, Garouste constate : « L’avant-garde au musée n’est plus une avant-gare ! La provocation n’est plus une provocation si elle est à la mode ! », au point de se demander finalement :
« Où était le courage artistique désormais ? Fallait-il déchirer, brûler les toiles ? Certains essayaient. Mais l’avant garde c’est une bataille, pas une surenchère. Il faut un risque à la peinture. (…) L’originalité était morte avec Picasso ? Bon débarras ! On allait pouvoir s’intéresser au sujet plus qu’au style, raconter des histoires, jouer avec les sens, les émotions, j’en avait tant des émotions. Je voulais renouer avec la peinture, quitte à être jeune et classique, quitte à revenir en arrière. »
Et c’est ce qu’il fit. La suite de l’ouvrage revient sur son cheminement artistique à partir du moment où il a choisi la voie qu’il désirait suivre. Son avis est très intéressant et permet à la fois de mieux comprendre une partie de l’art contemporain, et les productions de Garouste lui-même. Pour le reste, je vous laisse le découvrir vous-mêmes…