J’attendais l’auteur au tournant car les premières pages laissaient entrevoir un bout de fesse du sexisme en personne. Autant prévenir, quelques passages donnèrent raison à cette appréhension. Mais cela mis de côté, "L’Ombre de l’Autre" (1998), de Fatos Kongoli, fut une très chouette découverte, de celles qui se font vite sentir, par le style, le rythme, l’atmosphère…
Narrateur à la première et à la troisième personne se succèdent inlassablement, pour ne raconter qu’un seul et même homme : Festim. Cette construction à deux voix renforce le sentiment d’oppression qui habite ce personnage. Le lecteur prend peu à peu la mesure de l’angoisse qui le gouverne, cette inquiétude permanente de faire les frais d’un régime totalitaire arbitraire, qui dépasse et annihile. Et par ce jeu narratif habile, Festim se dévoile et laisse apparaitre les traumatismes de son enfance qui réduisent à néant ses efforts pour n’être personne dont il vaille que l’on se souvienne.
Au delà du fait que je trouve brillante l’idée de représenter l’absurdité d’un système répressif par un seul et unique personnage - le juge d’instruction Valmir D, toujours présent sans l’être vraiment - j’ai été particulièrement marquée par le travail d’équilibre entre réalisme du quotidien et onirisme diffus dont ce roman tire toute sa force.