Je suis plutôt déçu par ce roman. L'histoire est assez convenue, narrant le quotidien de junkies prêts à tout pour leurs doses d'héroïne. Il y a ceux qui braquent, celles qui tapinent, l'oie blanche prise dans cette spirale infernale malgré elle, et le dealer, le vrai maître du jeu, qui jouit de toute cette souffrance.
Ça ressemble davantage à un docu-fiction pour la prévention anti-drogue (proche de Christiane F., mais sans l'attrait de l'histoire vraie). L'auteur, ancien dealer et drogué, décrit minutieusement le quotidien de cette arrière-cour des enfers, avec tous les détails sur le comportement des drogués, les manières de s'injecter ou les arrangements avec les flics, mais on reste sur sa fin en terme de littérature (je m'attendais au moins à un peu d'argot, mais c'est peut-être la faute de la traduction).
Pourtant, on est happé dès le premier chapitre, avec la présentation de Porky, le dealer aux tendances zoophiles, et de son antre minable, avec ses effluves de sang caillé et ces loques humaines gisants dans chaque recoin, on a l'impression d'y être, à deux doigts de vomir sur place. Mais ça tourne un peu en rond, même si l'ambiance, extrêmement sombre, n'en finit pas de nous répugner, jusqu'à cette dernière séquence d'apothéose dans l'horreur.
Goines pouvait écrire un roman en un mois (il en publiera seize de 1971 à 1974, date de sa mort par balles, ce qui lui permettait de financer ses injections), donc on ne s'étonnera pas de le voir tomber dans la facilité. Le style est assez pauvre, les personnages sont monolithiques, sans passé ni futur, ce qui, en un sens, colle assez bien au milieu. Tout ce qui caractérise un junkie est son addiction, il n'a plus de famille, plus d'amis, plus d'envies, plus de morale, rien, juste un manque qu'il ne comblera jamais, comme un zombie en recherche de chair humaine. Il tient des personnages, Porky, Terry, Teddy, Minnie (il se foule pas pour les prénoms), chacun pourrait avoir droit à une saga entière, mais ils ne sont que des silhouettes qu'on entraperçoit de temps en temps.
Le bougre s'est lancé dans l'écriture après avoir lu PIMP d'Iceberg Slim, dont l'influence est palpable. Hélas, à la différence de son modèle, car mort trop jeune, il n'écrira jamais d'autobiographie.