Entre roman d'anticipation et roman d'apprentissage, L'âge des miracles dépeint le portrait d'une enfant à fleur de peau, témoin du plus grand bouleversement que l'humanité va connaître.
Du jour au lendemain, le monde découvre avec stupéfaction que la vitesse de rotation de la Terre a ralenti. Très vite, les journées commencent à s'allonger, d'abord de quelques minutes, puis de plusieurs heures, le jour devient la nuit et la nuit le jour. C'est au travers de Julia et de ses yeux d'enfant que nous devenons à notre tour témoin des conséquences du dérèglement terrestre : les jours atteignent progressivement 26, 30 puis 48 heures, la gravité est modifiée, entraînant des changements météorologiques radicaux, l'extinction de nombreuses espèces végétales et animales et l'apparition d'un mystérieux syndrome qui touche une partie de la population. Alors âgée de 11 ans, la jeune fille se retrouve confrontée aux conséquences du bouleversement sur sa famille et sa communauté. Enfant introvertie et sensible (dans laquelle je me suis reconnue je dois dire), elle se situe entre deux périodes : celle de l'enfance et celle de l'adolescence. Elle observe ainsi ses parents dont la force apparente se retrouve fragilisée, ses camarades dont le corps et le comportement changent, vit la perte de l'amitié et ses premiers émois amoureux. Julia est un personnage réaliste, mais surtout de plus en plus touchant au fil des pages, en particulier concernant sa relation avec son grand-père et Seth.
Si l'ambiance d'une fin du monde imminente se fait très vite ressentir, ne vous attendez pas aux cataclysmes habituels ni aux effusions de sang. Les semaines défilent et les protagonistes semblent tout à fait impuissants face aux événements. Alors que certains cèdent à la panique (fuites, isolements, suicides de masse à l'arsenic, etc.), d'autres s'accrochent à leur routine. Face aux pressions du gouvernement, arrive le moment où chaque individu doit prendre une décision : adhérer au système horaire mis en place par les autorités qui se calque sur les horaires ordinaires, ou bien rejoindre les partisans du temps réel qui, pour la plupart, quittent leur foyer afin de rejoindre les nombreuses communautés créées au sein du désert.
De nombreuses études ont été consacrées aux effets physiques du mal de la gravité, mais l'histoire ne rendra jamais compte de toutes les vies métamorphosées par les changements de caractère, plus subtils, qui accompagnèrent le ralentissement. Pour des raisons que nous n'avons pas entièrement comprises, le ralentissement, ou plutôt ses effets ont modifié la chimie de certains cerveaux, transformant de façon notable l'équilibre précaire entre pulsions et maîtrise de soi.
L'atmosphère se fait de plus en plus mélancolique et le quotidien semble comme engourdi, entre chaudes journées ensoleillées mais profondément maussades et nuits étoilées qui se révèlent sans fin et transforment l'environnement urbain en ville fantôme. Le temps, comme suspendu, plonge l'héroïne dans une contemplation rêveuse :
Parfois, je rêvais que nous déménagions, nous aussi. Les communautés qui poussaient dans le désert éveillaient ma curiosité. J'aimais penser que le temps s'écoulait réellement moins vite là-bas. Si c'était le cas, si chaque événement mettait un peu plus de temps à se dérouler, alors ses conséquences étaient-elles un peu moins brutales ?
Très vite, un parallèle se fait entre la jeune fille et la planète et l'on découvre alors de nombreuses similitudes entre leurs changements. Déjà bercé par une torpeur langoureuse, le roman prend alors une tournure poétique qui se joue de nos angoisses profondes. L'auteure effectue un petit tour de force en nous laissant sans réponse : pas d'explications scientifiques, pas de happy end au sens propre. Nous n'étions que des témoins passagers, seulement présents pour une année au côté de la jeune Julia.
Malgré son contexte apocalyptique, L'âge des miracles est un roman tendre sur une jeune fille en devenir et sur sa capacité d'adaptation. Si vous cherchez de l'action à foison, passez votre chemin. Malgré leur destinée fatale, les personnages qui peuplent le récit s'accrochent à la vie et cachent en leur sein une volonté commune, celle de laisser une trace afin de dire « Nous étions là ».