Critique de L'autre voyage de Phileas Fogg par leleul
Pour les très vieux geeks.
Par
le 30 oct. 2012
Voici ma première (mais sans doute pas la dernière) critique d’un roman de Farmer, mon auteur de science-fiction préféré (avec Clifford Simak). Je ne démarre hélas pas par un de ses chefs-d’œuvre, loin de là.
Je tenterai d’être sec et bref. Cette fanfiction-crossover (ou réécriture, si on reste dans l’euphémisme) est obérée de plusieurs défauts très sensibles:
1 - «L’autre voyage» de Phileas Fogg n’est pas une histoire nécessaire, et l’auteur, malgré ses ratiocinations fréquentes, ne parvient pas à déguiser ce fait. La guerre entre les deux races d’extraterrestres, les Éridanéens et les Capelléens, est arbitraire et les différents moyens dont use Farmer pour la raccrocher au tour du monde paraissent grossiers.
2 - Les ajouts et réinterprétations auxquelles le lecteur est en droit de s’attendre ne sont pas très nombreux. Farmer passe le quart des 200 pages à résumer Verne, et même s’il le fait plutôt bien, ce n’est pas pour ça que j’ai lu personnellement; en plus je tenais toujours l’original à portée, au cas où. D’autre part, toutes les scènes inventées par Farmer portent distinctement sa marque, et créent un sentiment d’incohérence tonale avec le reste. Le pastiche du style de Verne n’est pas toujours réussi (mais parfois il l’est!).
3 - Du premier point découle que les enjeux du roman ne ressortent pas assez. La plupart du temps, j’ai eu l’impression que Farmer avait cherché tous les moyens, tous les petits trous de logique et raccourcis laissés par Verne, pour bâtir son récit alternatif, et que, n’en ayant pas trouvé assez, il en avait pratiqué lui-même, de sorte qu’en gardant à l’esprit ce que Verne avait écrit, le tissu greffé par Farmer manifeste son caractère nettement étranger, à la limité d’être rejeté par l’organisme. Or, la structure définie par Verne restant dominante dans le roman, les greffes, non nécessaires, flottent déliées et manquent de faire voir un drame qui s’achemine rigoureusement d’un début jusqu’à une fin. En d’autres mots, c’est décousu.
4 - En fait, Farmer s’amuse d’une part à pasticher Jules Verne (le pastiche est une de ses formes littéraires favorites), d’autre part à travailler son univers-crossover de Wold Newton: on retrouve ici donc Phileas Fogg (qui a les mêmes initiales que l’auteur—une coincidence, s’excuse-t-il), le capitaine Nemo (qui s’avère être la professeur James Moriarty), le père de Tarzan (évidemment, il est omniprésent chez Farmer, qui a en a écrit une biographie fictive), Richard Francis Burton (qui deviendra le personnage principal du Cycle du Fleuve) et quelques autres personnages qu’on retrouve chez les auteurs de l’époque victorienne. De plus, il utilise l’histoire du Mary Céleste (ce bateau retrouvé abandonné par l’équipage en 1872) et fournit une hypothèse quant à son mystère. Cela rappelle son exposé sur Jack l’Éventreur dans les «Dieux du Fleuve», et comme pour cette digression-là, ça n’apporte rien de structurant à l’histoire. De même, les crossovers nombreux, quoique curieux, n’offrent rien aux non-fans. Comme il est précisé sur un des sites à propos de Wold Newton, le projet est essentiellement généalogique: il s’agit de retrouver des liens de sang ou des rapprochements entre personnages fictifs de l’époque victorienne, en les considérant comme réels. Donc pour un non-fan c’est de la branlette sans autre plaisir que celui de la recherche, de l’agitation de l’esprit pour construire des analogies sur le sable.
En revanche, là où le roman réussit, c’est comme toujours chez Farmer lors de ses scènes d’action, bien pulpesques et longues, avec descriptions très détaillées et justifications de tous les choix des personnages. C’est aussi intéressant quand Farmer cherche la petite bête chez Verne et fait feu de tout bois. Malheureusement ce n’est amusant qu’au premier tiers du livre.
Pour finir, je ne pense pas que ce livre soit très bon. C’est une véritable fanfiction qui n’aurait jamais dû être publiée comme roman séparé. Et si Farmer l’a fait tout de même, c’est, je pense, parce qu’il pouvait se le permettre.
Créée
le 16 nov. 2017
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