Il est toujours difficile de noter un ouvrage de philosophie. A partir de ce moment, ma note ne signifie simplement que les qualités de l'ouvrage (plus de 5) mais que le format contient des limites qui empêche d'atteindre un plaisir total et une satisfaction entière. En somme je juge ma note peu représentative. La lecture de la critique est préférable pour comprendre mon avis, je présume.
Claude Romano, maître de conférence à la Sorbonne, professeur de philosophie reconnu et connu notamment pour son énorme travail en phénoménologie de l'événement, propose ici trois textes, dont deux tirés de conférences, tournant autour de la question du temps, de l'événement, et d'une refonte de la phénoménologie à partir de ce point de vue. Bien entendu, l'auteur n'a pas cette prétention et, au contraire, il entend bien prendre en main une grande part de la pensée humaine, d'Aristote à Merleau-Ponty en passant par Augustin, Husserl, Heidegger, Wittgenstein et j'en passe. Et cette prise en main conduit fatalement à vouloir repenser certains problèmes fondateurs de la phénoménologie sous un nouveau spectre.
C'est avec l'expérience de celui qui connaît les auteurs que Romano peut se permettre de juger que le travail de Husserl et d'Heidegger sont insatisfaisant sur ce qui semble n'être qu'un point de détail, pourtant, à la lecture des essais de Romano, on comprend aisément l'importance du propos.
Le premier article porte sur la nature phénoménologique de l'événement. Le second amène la question métaphysique du temps dans sa globalité, à partir du spectre de l'événement. Une fois ces éléments maîtrisés, le troisième essai fait sens : à partir des réflexions sur l'événement on comprend que la notion même de Monde doit être phénoménologiquement refondée.
Les trois textes ont donc des buts différents mais se montrent pris dans un ensemble relativement cohérents.
Pour autant le propos est en même temps très brefs, passe par des phases de rapides évocations des auteurs, parfois creusés, parfois non. On a ce sentiment d'une oralité qui en réalité n'aide pas mais rend parfois le propos plus obscure.
Surtout, ne le nions pas, le texte n'est que rarement plaisant à lire. Il est technique, aride et dispose du jargon de la phénoménologie qui ne rend pas la lecture agréable. On a surtout une absence totale d'explication. Avouons le : les trois textes se veulent toucher un public bien ciblé et même le bon amateur de philosophie, s'il n'est pas bien familiarisé avec Husserl et Heidegger risque soit de décrocher soit de s'énerver de voir que Claude Romano ne fait aucun effort pour se donner aisément à son lecteur.
On a également le regret que les textes soient totalement séparés, on aurait aimé voir une édition regroupant l'ensemble, voir proposant des liaisons, une conclusion. Bref on manque également d'un plan d'ensemble. Surtout on a le sentiment que les textes problématisent bien plus qu'ils ne solutionnent.
Ainsi, sûrement que ces textes sont un bon aperçu pour voir si on veut découvrir la philosophie de Claude Romano, par contre j'invite davantage à les relire ensuite ou, du moins, à ne pas les lire distraitement mais bien à les travailler. La densité demande ici une réflexion appliquée et on regrette en effet que l'auteur ne nous la fournisse pas plus aisément dans la forme.