La romancière slovaque Ursula Kovalyk n'avait pas pleinement convaincu avec Une femme de seconde main, son premier livre traduit en français. L'écuyère, malgré une relative brièveté, est bien meilleur, trouvant parfaitement un ton original mêlant poésie, humour narquois, et franche causticité, parfois. Le personnage principal, Karolina, une pré-adolescente, et son émancipation progressive sont pourtant monnaie courante dans la littérature mais Ursula Kovalyk échappe aux clichés éventuels en faisant de son héroïne une fillette de "seconde main", vivant dans une famille dysfonctionnelle et intégralement féminine et finissant par passer son temps dans un centre équestre où elle rencontre une future amie de son âge, aussi peu orthodoxe qu'elle. Il est évident que la romancière aime les personnages marginaux déclassés et cela se vérifie même pour les animaux avec ce vieux cheval qui va contribuer à donner un nouveau sens à la vie de Karolina avec l'entraînement puis les compétitions de voltige équestre, ces dernières étant décrites de façon très pittoresque. Précisons que Karolina va vivre ses plus belles années alors que la Tchécoslovaquie est sur le point d'en terminer avec son régime communiste. Le basculement vers le libéralisme correspond au moment où l'écuyère devient femme. Les dernières pages du livre sont les plus belles, avec l'abandon de l'innocence et de l'insouciance en quelque sorte, pourtant vécues au sein d'une société autoritaire et repliée sue elle-même. Un paradoxe que Ursula Kovalyk explique et exprime avec mélancolie et émotion dans une langue simple et attachante.