AMOUR… L’inébranlable amour d’une maman pour son enfant… Vous me direz qu’à de rares exceptions toutes les mamans aiment leurs enfants ? Que c’est une histoire connue et reconnue… Oui, sans doute, mais toutes les mamans ne l’expriment pas avec tant d’émotion, de sincérité, de cœur, d’enthousiasme, de gratitude… Et, heureusement, toutes les mamans ne le sont pas d’un enfant handicapé…
Caroline Boudet est journaliste et mère d'une fille atteinte de la trisomie 21. Elle s'est fait connaître en 2015 après la publication d'une tribune sur Facebook qui a ému des millions de personnes et a fait la une de nombreux médias à travers la planète. De cette médiatisation est né un premier livre : 'La vie réserve des surprises', le récit des 9 premiers mois de Louise (2016). Elle est également l'auteure d'un roman : 'Juste un peu de temps', sur un thème différent - celui de la charge mentale (2018). Dans ‘L’effet Louise’ (2020), Caroline Boudet montre (dénonce) comment, avec une « Louise », une simple rentrée scolaire, en école maternelle, se transforme en véritable parcours du combattant pour troupes de choc !
Juste un petit aperçu : « L’inclusion à l’école. C’est beau, ça sent bon. Tout le monde est pour. Bien sûr que les enfants ont tous droit à l’école ! Bien sûr que c’est ainsi qu’on fabrique des citoyens solidaires, responsables, empathiques. Bien sûr…
Oui mais…
Oui mais… attention, faudra une AVS. [Les parents : OK…] Oui mais attention, rien ne dit que vous l’aurez [Les parents : OK…] Oui ! Mais si votre enfant n’arrive pas à manger seul […] pas de cantine [Les parents : Ah bon ?…] Oui ! L’inclusion c’est comme ça [Les parents : OK…] Oui ! Mais vous savez, nous, on n’est pas formés [Les parents : Pas de problème. Nous n’étions pas formés non plus quand le handicap nous est tombé dessus…] Ouiiiii ! Mais… »
Et là, les parents, après des montagnes de dossiers remplis en triples exemplaires, six mois avant la rentrée, s’imaginent que tout est en ordre de marche… c’est sous-estimer les inépuisables ressources de l’administration française ! Oui, mais…
N’allez pas croire que ce livre est une longue plainte pleurnicharde sur le sort des pauvres parents d’enfants frappés de handicap… NON ! Non, c’est un état des lieux, souvent débordant d’humour (ça passe mieux quand on se paie la tête de quelqu’un), de l’univers kafkaïen à la logique incompréhensible de notre merveilleuse administration où, comme partout ailleurs, le responsable, c’est l’autre… moi, je ne fais que transmettre la (mauvaise) nouvelle… et cette raison irréfutable qui sublime la logique, qui défie à la raison : « - Pourquoi ce n’est pas possible ? – Ce n’est pas possible parce que ce n’est pas possible ! » Magnifique, non ? De quoi s’agit-il ? Faire venir sur place les habituels intervenants "extrascolaires" de Louise, pour ses séances quotidiennes d’orthophonie, de kinésithérapie et de psychomotricité, alors que toutes les parties sont d’accord, le local disponible, que tout est carré… Oui mais, ce n’est pas dans les habitudes de l’administration… (plus tard on apprendra que c’est possible si c’est la mairie qui en prend la responsabilité… l’Éducation Nationale, elle, ne veut surtout pas se mouiller…).
En fait, au fil des pages, on voit s’opposer, en permanence, deux personnages importants, l’un qui a peur tout le temps et l’autre qui se rebiffe, qui rue dans les brancards. L’un qui tremble de trouille, l’autre qui tremble de rage. J’ai nommé : à ma gauche, "Caroline Boudet", avec son cœur en bandoulière et sa boite de Kleenex à portée de main, à ma droite « la maman de Louise » les poings sur les hanches et les mâchoires serrées prête à sortir sa « mitrailleuse » médiatique pour ne pas se laisser faire :
« La maman de Louise prend beaucoup de place. Caroline en a souvent mare. La maman de Louise parle fort, écrit juste, est une « battante », porte ses combats en étendard et chaque jour un tee-shirt de « Mère Courage ». Caroline fatigue, râle, se souvient qu’elle aime lire, écrire, imaginer, s’amuser, danser sur les tables […] mais toujours avec une musique en arrière-plan. Dont le refrain dit : "La maman de Louise, elle, ferait mieux que toi..." »
Heureusement, il reste Louise et l’indéfectible amour de sa maman dont je ne peux résister au désir de reproduire sa confession à l’occasion de son troisième anniversaire :
« Ma Louise, ma fille.
Lundi tu vas fêter tes trois ans. […] j’ai connu des moments de blues les jours précédents. C’est parce que, quand tu es née, on a pris un bon coup de bambou sur la tête, ton papa et moi. […] C’est injuste, n’est-ce pas ? Les anniversaires, c’est joyeux. Ton arrivée dans notre monde, c’est joyeux. Mais, par moment, je l’oublie et je me trompe de lunettes pour regarder la vie.
[…] Alors, une fois que j’ai bien marmonné, bien tourné [en rond] et bien râlé […] je regarde ce qui reste.
Toi.
Tout ce que tu as provoqué depuis que tu es née, ces choses que l’on doit célébrer en t’aidant à souffler tes trois bougies.
Trois années à tout défoncer sur ton passage avec ta banderole « je ne ferai rien comme les autres, que ça vous plaise ou non ».
Trois années de ton sourire désarmant et de tes grands yeux capables de dire bien plus que les mots que tu n’as pas encore […].
Trois années d’aventures, de voyages, de rencontres, de nouveaux amis faits grâce à toi – et d’anciennes amitiés renforcées aussi grâce à toi.
Trois années à observer comment tu obliges tous ceux que tu croises à montrer le meilleur d’eux-mêmes […].
Trois années durant lesquelles tu as transformé « mon bébé Paul » en un grand frère aimant, naturel et dont je suis si fière.
Trois années de tes câlins si doux que tu donnes instinctivement et sans compter à ce frère adoré, à tes parents, à toute ta famille, à tes copains de crèche…
Trois belles années.
Sèche mes larmes. Soufflons les bougies. Bon anniversaire, et c’est tout. »
Vous voulez votre dose de dopamine ? Je vous recommande le chapitre « Vert espoir : les autres enfants »
Un livre admirablement, merveilleusement humain qui donnera de la force et du courage aux parents concernés mais aussi, un sujet de réflexion aux autres parents (ou non parents), et peut changer le regard sur le handicap. Loin de toute tentative de de banalisation il est d’avantage question de compréhension, d’acceptation et d’intégration.