Danielle SALLENAVE nous embarque dans sa région d’origine, l’Ouest angevin, prétexte à une fine enquête ethnographique de terrain étayée d’une analyse sociétale et politique furieusement lucide, et sans aucune complaisance.
Elle sillonnera "le fatal triangle", du Nord, Combrée de tropisme catholique près de Bourg-d’Iré, où le comte de Falloux, « un fumet de sacristie désagréable à sentir » (selon TOCQUEVILLE), édicte la loi sur l’enseignement privé. Au Sud, Cholet, le territoire des Mauges, et la Vendée angevine. Et au centre, Trélazé, ses ardoisières, la banlieue rouge d’Angers.
Elle tissera à la fois un véritable journal de bord, biographique, et familial doublé d’un essai adossé à de solides références, disséquant tour à tour, les guerres de religion, la révolution française, les sanglantes guerres vendéennes, la et ou les différentes Républiques naissantes et ou avortées et ou trahies, l’activisme de la contre-réforme catholique, qui perdure jusqu’à nos jours.
Elle documente le lien très étroit de l’Anjou avec la conquête coloniale de l’Algérie (depuis 1830), et la sale guerre qui en a suivi (1954-62).
La félonie de Vichy et son héritage tentaculaire sont rappelés à travers ce récit assimilé à un écrit de guerre, la guerre qui oppose l’églantine (symbole des ouvriers) et le muguet (symbole de la vierge Marie).
La religion et la toute-puissance des prêtres ne sont jamais pas épargnées, «les curés que le granit produit » (SIGFRIED), «portés pour les faibles, dès qu’ils ont commencé à être une force » (V HUGO).
L’école, sera au centre de son univers, et constitue une trame continue de son parcours, celle des instituteurs de la Laique, «produits par le calcaire », dont ses parents qui avaient à cœur selon un mode de vie frugal, l’instruction des enfants du peuple.
Elle explicite bien le marqueur politique que constitue l’école privée à chaque soubresaut révolutionnaire, de même que l’ingérence insidieuse, durable parce qu’admise de «la catosphère » au sein de l’état républicain.
Elle n’occulte jamais l’importance de la question sociale, qui devrait primer avant toute considération d’ordre identitaire, c’est ce qui constitue la brûlante actualité de cette pérégrination plus que réflexive, à lire avec patience et délectation.