Mécanicien et pilote breveté dès 1910, Anselme Marchal s’est fait un nom dans l’aviation de record d’avant-guerre. Ce fils d’Alsaciens ayant fui l’annexion de leur province est germanophone et réside en Allemagne à la déclaration de guerre. Il parvient in extremis à rejoindre la France. Mobilisé avec les fous d’aviation, il est maintenu à l’écart des combats des premières semaines. L’État-Major est convaincu de l’inutilité de ces marginaux dans le cadre d’une guerre courte. Enfin affecté à une escadrille, il mène quelques missions spéciales, puis parvient à intéresser ses supérieurs à son idée folle. Il se propose de bombarder Berlin, de ravitailler en Pologne, avant de rentrer au pays en violentant, au passage, Vienne. Facile me direz-vous ! Que nenni. Jamais une telle distance n’a été franchie, d’une traite, par avion. Le soldat cède la place au sportif.



L’appareil est un petit Nieuport XII, tracté par moteur de 100 chevaux et modifié pour le raid. Il embarque 354 litres d'essence et 88 litres d'huile, soit 14 heures d’autonomie. D’un poids à vide de 530 kg, il excède au décollage les 1000 kg et ne dépassera pas les 900 mètres d’altitude. Il peine à décoller, puis à franchir, malgré la tempête, le haut massif de Thuringe. Il lutte contre le sommeil, la fatigue, largue quelques milliers de tracts et ne sera vaincu que par la défaillance d’une bougie, qui le contraint à se poser à Cholm, en Pologne occupée, à 1380 km du point de départ. Le record du monde de distance en ligne est battu !


Marchal écrit bien. Sa langue est superbe, son vocabulaire riche et sa maîtrise du pilotage nocturne vaut celle de l’emploi du subjonctif. Curieusement, il parle peu d’avions, nous ne saurons rien de ses missions antérieures et peu de son exploit. Il décrit moins la guerre que sa guerre picrocholine contre ses gardiens. L’essentiel est consacré au récit de ses interrogatoire, puis de ses évasions. Maréchal n’entend pas attendre la victoire dans sa prison. Il est plein de ressources, audacieux et infatigable. Associé au célèbre Roland Garos, il parviendra à s’évader du célèbre camp Kavalier Scharnhorst et à rejoindre nos lignes. Nos deux héros connaitront leur heure de gloire.


Plus surprenant est son nationalisme exacerbé. L’Allemand est fourbe est menteur, Il n’en démord pas. Pages après pages, il décrit le « parti pris systématique de mentir, encore et toujours, dont les Allemands ne se départissent jamais ». Plus loin : « Je ne me charge pas de l’expliquer, me bornant à enrichir d’un fait l’enquête vengeresse qui devra se faire et se fera sur les mensonges dont l’Allemagne n’a cessé, depuis les journées qui précédèrent son agression jusqu’au-delà des pourparlers de paix, d’empoisonner notre atmosphère. » « Captif ou vainqueur, on ne sympathise pas plus avec l’Allemand, après le combat, qu’on ne fraye, la paix rétablie. » Ce ton revanchard se retrouve dans de nombreux récits écrits à chaud (cf. René Fonck). L’Allemand est fourbe et agresseur. Pas de place au doute. La haine est totale et manifestement réciproque. Des décennies de nationalisme outrancier laissent des traces. Le nier, c’est se refuser à comprendre la Grande guerre. Des millions d’homme sont partis combattre animé d’une une joie mauvaise, puis ont tenu, tenu et tenu… sans faiblir. Triste époque.


PS1 Jean Renoir a tiré du récit de leur évasion le pitch de La grande illusion. Jean Gabin-Maréchal incarne Marchal. Voilà qui rend encore plus surprenant les audaces chevaleresques de son scénario et improbable l’amitié unissant Von Streim-Rauffensein à Fresnay-de Boëldieu.


PS2 Comme nombre de ses camarades pilotes, Anselme se tuera dans un accident, non pas d’avion, mais de voiture en 1921.

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le 24 oct. 2017

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Step de Boisse

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