En 1950, alors que l’hystérie anti-communiste menée par McCarthy bat son plein et que le HUAC (House Un-American Activities Committee) s’en prend au milieu du cinéma depuis quelques années déjà, l’actrice Maria Apron est accusée d’être entrée aux Etats-Unis sous une fausse identité après avoir tué un agent secret américain infiltré en Union Soviétique. De son vrai nom Marina Gousseiev, la jeune femme tente de s’expliquer. Oui, elle est bien russe. Non, elle n’a jamais été communiste. Au contraire, poursuivie par les autorités soviétiques, elle a dû fuir Moscou et, se faisant passer pour juive, s’est réfugiée au Birobidjan, cet état juif autonome créé par Staline dans l’extrême Est du pays, à la frontière mandchoue. C’est là qu’elle a connu et aimé un médecin américain du nom d’Apron, bientôt envoyé au goulag pour espionnage, et qu’elle s’est retrouvée à nouveau contrainte de fuir, cette fois aux Etats-Unis…


Certes rocambolesque, cette histoire ne s’en lit pas moins avec grand plaisir tant elle est bien menée et bien écrite, et tant elle présente d’intérêt historique. Car, au-delà des très rebondissantes aventures de sa très romanesque héroïne, plus encore que son évocation de la terreur stalinienne, des conditions du goulag et de la chasse aux sorcières après-guerre aux Etats-Unis, c’est la découverte du sort méconnu des Juifs en Union Soviétique pendant la seconde guerre mondiale qui rend ce roman passionnant. On y apprend ainsi l’instauration du Birobidjan en 1934, premier territoire juif officiel, son rôle de terre d’accueil pendant la Shoah et sa vitalité culturelle en yiddish. Une vitalité qui connaîtra le coup de grâce avec la création de l’État d’Israël.


Utile rappel historique donc, mais aussi hommage aux auteurs juifs en Russie, en tête desquels on retiendra Pasternak, prix Nobel de littérature dont tout le monde connaît Le Docteur Jivago, le texte de Marek Halter se teinte aussi d’ironie, lorsqu’en pleine époque nazie en Europe, son héroïne russe cherche le salut... en se faisant passer pour juive ! Cette couverture la transformera d’ailleurs profondément, puisque la jeune femme n’aura de cesse de gagner sa légitimité au sein d’une communauté qui l’aura accueillie sans réserve. Appliquée à partager le mode de vie, la langue, la culture et le sort de son entourage juif, elle finit par devenir laïquement juive, conformément à cette conviction qu’à l’auteur qu’ « on ne naît pas juif, on le devient», et qu’ « un individu qui se dit juif est juif ».


Ses points d’intérêt tant historiques que culturels, en plus du libéralisme religieux qu’il laisse entrevoir, font de ce roman, par ailleurs agréablement écrit et mené, une lecture tout à fait recommandable, à laquelle on pardonnera aisément ses premiers abords "rocambolesquement" romanesques.


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Cannetille
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le 12 oct. 2021

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