Le postulat de départ de cet ouvrage de sociologie est simple : observer le quotidien d'une équipe de journalistes au sein de France 2, pour la rédaction des actualités, sur le thème des banlieues. En se basant sur les éléments relevés lors de son enquête, l'auteur tente de relever et d'analyser toutes les composantes de la création de l'information, de la recherche du matériau brut (enquêtes de terrain, interviews, ...) au montage final du reportage.
La première phase critique apparait avec la constitution du contenu du reportage, surtout avec les enquêtes de terrain. Il est possible de se rendre compte que les journalistes canalisent énormément le propos tenus par les interviewés pour les faire aller dans le sens des injonctions de la hiérarchie. Injonctions qui ne passent souvent pas par des ordres directs mais pas de petits conseils distillés au fur et à mesure. (Mais qui, au final, doivent être suivis comme des ordres si le journaliste veut progresser dans sa carrière ou satisfaire la hiérarchie) Ils n'échappent évidemment pas à la vision stéréotypées des banlieues et les blagues durant la rédaction fusent sans trop de retenues, ce qui peut gêner les journalistes stagiaires venant de ces milieux-là. Ces derniers sont d'ailleurs bien souvent recrutés pour être des cautions de bonne présentation des banlieues alors qu'il est bien décrit à quel point un simple journaliste, encore plus en situation précaire ne peut absolument pas influer sur la ligne idéologique globale du reportage.
C'est là la point le plus important de l'enquête : à travers leurs études, la sociabilisation professionnelle et l'intégration des normes journalistiques en vigueur, la plupart des journalistes sont petit à petit, gentiment mais fermement, obligés de s'adapter aux tendances à la généralisation, aux stéréotypes, ... La faute ne revient pas uniquement aux investisseurs, aux rédacteurs mais vraiment à un tout, qui pousse et obligent les journalistes à se conforter aux normes standards sans pouvoir vraiment en dévier. Depuis le début des années 2000, France 2 abandonne progressivement son ton de service public pour tenter de rattraper la concurrence en termes d'audience. De plus, à ce moment-là, de plus en plus des journalistes de France 2 viennent du privé et implantent leurs méthodes de production. (Pujadas, Chabot, ...) Ce qui rend de plus en plus difficile à des journalistes de s'opposer aux nouveaux standards.
Au final, l'impression principale qui ressort du livre est que la baisse qualitative des reportages, les généralisations, les clichés, le tournant sensationnaliste, ... : tout cela est dû à des causes très diverses et sans vraiment de coordination derrière. Ce qui rend l'ouvrage extrêmement important pour changer les choses, dans le bon sens. (Lecture qu'il est possible de compléter par l'excellent ouvrage de Thomas Deltombe, L'islam imaginaire : La construction médiatique de l'islamophobie en France, 1975-2005)