Parmi les ouvrages qui ont propulsé Bernard-Henri Lévy sur le devant de la scène médiatique, la Barbarie à visage humain est surement l'un des plus célèbres. C'est cette ouvrage qui aux côtés de ceux élaboré par André Glucksmann ont assuré la célébrité future de BHL. Relativement bref (200 pages), cet essai est aujourd'hui un peu oublié.
Indépendamment de mes a priori sur le BHL d'aujourd'hui voilà ce qu'il me semble important d'en retenir.
Le but de BHL est ici d'attaquer, non pas le marxisme, ou le communisme, mais l'idéologie progressiste en soi.
Pour ce faire le livre s'ouvre sur une critique de ce que BHL présente comme des conceptions marxiste et deleuziennes du pouvoir, la première voyant dans la domination une situation non consentie permise par l'ignorance et la seconde une domination consentie mais de nature perverse. N'ayant jamais lu l'Anti-OEdipe que BHL met en cause, je ne dirais rien sur le bien-fondé de cette présentation.
Ce qui compte c'est que pour BHL, vie en société signifie pouvoir, pouvoir signifie Maître et Prince et que Maître et Prince signifie Etat. A partir de là, le pouvoir, la domination sont les conséquences logiques de la vie en société, partant, inéluctable et rien ne saurait y mettre fin, parce qu'il n'y a pas de commencement à l'Etat et au pouvoir. Il n'existe donc pas, selon BHL d'individu de l'état de nature qui consente, par contrat social à céder le pouvoir. D'ailleurs le choix du langage, qui structure la façon de penser illustre bien que le pouvoir est, chez l'homme, permanent et un donné qui le forge. Aucune révolution ou rébellion n'en viendra à bout, selon BHL.
La suite du livre est un règlement de compte avec les progressistes en général et les marxistes en particuliers. Comme d'autres avant lui, il attaque le marxisme comme religion, estime qu'il n'y a pas de sens de l'histoire. Plus novatrice est son hypothèse que Marx aurait forgé le concept de classe prolétarienne, mais que celle-ci, de l'aveu même de Marx n'existerait pas et qu'il n'y aurait que la bourgeoisie.
Enfin, la thèse centrale de BHL est que le totalitarisme serait simplement l'ultime accomplissement du progressisme, outil que les Princes auraient employé pour se débarrasser des gardes fous religieux et sociétaux pour renforcer l'Etat. La barbarie du totalitarisme nazi étant considérée comme bien actée, BHL s'attaque à celle du totalitarisme communiste (soviétique mais aussi chinois), avec dans l'esprit de démontrer que les horreurs décrites par Soljenitsyne ne sont pas un accident, mais consubstantielles aux progressismes et marxismes.
Pour intéressantes que soient les questions soulevées, BHL les traite assez rapidement et ne laisse pas grand-chose à son lecteur qui démontre ses thèses.
Jouant les spectateurs désabusés, BHL conclut son essai en estimant que les philosophes ne doivent pas gouverner (quand ils le font cela donne 1793 ou les bolcheviks).
D'une manière générale, cet essai a mal vieilli. Entre ses propos sur l'extrême droite chiraquienne (ok c'était le Chirac des années 70 mais quand même) sa prédiction que la société du tertiaire et du col blanc ne se réaliserait pas mais que nous arriverions à une classe ouvrière généralisée ou encore que l'avenir était promis à l'avènement d'un socialisme de barbarie mais à visage humain.
Les prédictions étant par nature difficile, se tromper dans celles-ci ne suffit pas à invalider un ouvrage.
Les nombreuses notations à 1 me semblent donc (vraiment) injustifiées. Pour autant je pense que l'œuvre en soi, qui a marqué son époque reste en-dessous de l'objectif qu'elle s'était assignée. En tout cas elle m'aura donnée envie de lire Gilles Deleuze.

Lestrade
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le 18 déc. 2021

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