Sensibilité masculine

Mathieu Gaborit, on aime ou on aime pas, mais on lui accorde un univers et une plume uniques. En fait, il semblerait, en consultant ses autres oeuvres, que l'univers d'Agone et de Maspalio soit son Magnum Opus. Du coup, ce livre illustre un peu sa carrière. Une fulgurance de jeunesse, la traversée du désert pendant un temps long, très long, puis le retour réussi d'un vieux héros. Enfin !
La plume, parlons-en. Quand on lit les interviews du bonhomme, quelque chose se confirme. A une époque où chacun veut paraître plus intelligent qu'il ne l'est, avoir le bon mot, montrer son énorme culture, lui esquive les demandes d'intellectualisation de son oeuvre. Son style, c'est pareil. Se dégage une personnalité rare, qui plutôt que dans l'être ou le faire, est dans le vivre. Et Mathieu sait nous emporter avec lui, il nous fait vivre son livre, son univers, son Maspalio, on y est immergé corps et âme, là où la fantasy et les élitistes voudraient rivaliser d'érudition pour établir leur cosmogonie, faire de l'analyse psycho-sociale, comme une matière noble mais morte, Gaborit débarque comme un peintre ivre, et ébauche en quelques coups de pinceaux hasardeux mais plein de génie un univers à consonance émotionnelle et affective, on se prend à devenir nostalgique d'une cité qu'on a pas connue, à devenir comme chauvin alors qu'on y a pas mis les pieds.
Bref, je vous recommande ce monde sans pareil, en commençant par le premier tome et en voyant tout ce qui a fait votre émerveillement être détruit par l'Acier, comme une allégorie de l'austérité et de l'efficacité contre l'Art. Quant à Maspalio, il semble lui aussi sur la fin. Mais attendez... Ses parents ne lui ont-ils pas donné ce nom trop grand, trop sublime pour le nouveau-né qu'il était ? Oui, rien de moins que celui du fondateur d'Abyme ! Et si tout cela n'était-il pas un signe ?